fbpx
Transcontinental Race, le plaisir de souffrir

Transcontinental Race, le plaisir de souffrir

Parcourir des kilomètres à vélo en autonomie à travers toute l’Europe, ça peut paraître une bonne idée de vacances. Imaginez maintenant devoir faire en moyenne 235 km par jour pendant plus de 2 semaines, s’orienter dans des contrées inconnues et pédaler de jour comme de nuit sur tous types de route et vous aurez une petite idée de ce qu’est une course comme la Transcontinental Race. Cette classique dans l’ultra cyclisme attire un type particulier de coureurs : des guerriers et guerrières de la pédale, passionnés.ées de la chambre à air, un brin masochistes. Le réalisateur Antonin Soret-Michaud suit ces héros anonymes durant 3 éditions de la célèbre TCR, de 2016 à 2018, pour son film ONBOARD The Transcontinental Race.

Matthieu Lifschitz, l’un des protagonistes de cette aventure, répond à quelques questions.

Comment t’est venue cette passion pour la pratique du vélo et des courses d’ultra cyclisme ?

Par curiosité. N’ayant pas le permis de conduire, le vélo fut d’abord pour moi l’occasion d’aller découvrir ma région. Puis, petit à petit, j’ai rallongé les distances pour aller voir un peu plus loin.

Fasciné depuis toujours par les montagnes et n’habitant pas si loin des Alpes, j’ai rapidement entrepris des sortes de raids en solitaire pour y accéder sans non plus partir une semaine.

Pas que je tenais absolument à partir seul, c’est surtout que je ne trouvais personne dans mon entourage qui avait la même envie… Donc j’y suis allé.

De là, je me suis habitué à rouler longtemps en autonomie, et c’est au début des années 2010 que j’ai pris conscience qu’une discipline, correspondant aux mêmes critères que ma pratique, existait : la longue distance et les brevets Audax*. Les courses d’ultra distance en autonomie sont récentes et c’est à cette période qu’ont commencé à émerger quelques épreuves en dehors des brevets officiels de la Fédération française. J’y ai naturellement porté intérêt me retrouvant plus dans un univers en pleine croissance, jeune et moins engoncé de dogmes de vieux routiers en s’affranchissant de leurs habitudes et choix techniques.

Comment as-tu entendu parler de la TCR et quelle est ton histoire avec cette course ?

Comme beaucoup, c’est en découvrant le documentaire MELONS, TRUCKS & ANGRY DOGS** retraçant l’aventure de Recep Yesil and Erik Nohlin, sur la première Transcontinental en 2013, que j’ai eu le déclic.

À force de rencontrer des pilotes ou d’avoir des amis dans mon entourage qui s’y sont alignés, je me suis lancé. Trois fois, la première, la No5 en 2017 que j’ai abandonnée en Slovaquie dans les Hautes-Tatras au check point 3, après de plus de 2 000 km de course.

J’étais mal parti, pour tout un tas de raisons qui n’ont eu de cesse de s’aggraver sur la route. J’ai ensuite enchaîné la No6 et No7, respectivement en 2018 et 2019 en arrivant à chaque fois au terme.

La plus marquante est évidemment la No6 : c’était la revanche, le tracé était dans la plus pure tradition de la TCR avec un départ de Grammont, en Belgique. Puis, une longue traversée franchissant d’innombrables montagnes jusqu’aux Balkans où la donne change totalement. Partir dans ce sens et se retrouver dans des contrées très différentes des nôtres après plus de 3 000 km de course (et restant environ 1 000 km à parcourir) est autrement plus difficile que l’inverse comme sur la No7 (retrouver peu à peu une civilisation plus moderne et achalandée en partant des Balkans vers Brest en France).

Cette longue descente dans l’inconnu comme sur la No6 explose le compteur du dépaysement, cette sensation est unique.

Comment te prépares-tu pour ces courses ?

Je n’ai pas de préparation spécifique. Habitant dans le sud de la France, même s’il fait froid l’hiver, la météo est plus clémente que dans pas mal de régions. Donc, je roule à l’année sans trop de contraintes.

Parfois je sors par simple plaisir, parfois dans le cadre de reportages que je réalise pour le magazine 200.

Mis bout à bout, ça fait des bornes, et la variété de parcours disponibles dans les environs de Marseille où je réside, m’offre la possibilité de m’entraîner là où j’ai besoin de progresser, comme m’améliorer dans les ascensions escarpées ou au contraire savoir trouver un rythme soutenu et régulier sur des parcours plus roulants. Quelques semaines avant chaque course, je fais plus attention à ce que je mange ou bois, limitant tout ce qui pourrait affaiblir mon endurance comme trop de gras ou trop d’alcool, mais sans jamais trop me contraindre. Bien vivre, être bien dans sa tête et son corps, ce sont aussi des choses très importantes pour moi. N’ayant pas de prétention particulière en termes de classement, je peux me permettre cette souplesse en gardant comme simple cap d’être à l’aise. J’essaye de m’aligner sur au moins deux ou trois courses chaque année comme la Trans Pyrénées Race (organisée par Lost Dot comme la TCR) ou plus récemment la Two Volcano Sprint en Italie. Le tout ponctué de challenges non chronométrés ou de longues sorties entre amis, ça me fait un calendrier bien fourni !

 

Quel est ton plus beau souvenir et ton pire souvenir d’une course ?

Impossible de répondre catégoriquement, il y en a trop qui se valent. Mais le meilleur sur la TCR, c’est évidemment au check-point 2 de la No6, au sommet du Mangartsko Sedlo en Slovénie. J’étais submergé d’émotion, je savais bien que nous n’étions qu’à mi-course, mais pour la première fois, j’ai eu cette sensation que rien ne pourrait m’arrêter, que j’allais aller jusqu’au bout quoi qu’il arrive, que j’étais en train de vivre ma revanche tant attendue. J’étais bien, à ma place, totalement détaché de toutes les histoires du quotidien. C’était très troublant, mais exaltant, galvanisant.

Le pire ne fut pas un événement dantesque comme il peut arriver parfois avec des météos compliquées ou des chiens trop entreprenants, mais la lassitude. Je l’ai sentie à plusieurs reprises, c’est normal et il faut savoir jouer des montagnes russes émotionnelles. Mais la fois la plus marquante fut sur la No7 lors de la traversée finale de la France vers l’arrivée à Brest. Je me battais contre un fort vent de face pendant environ 1 000 km, réduisant à peu près tout : ma vitesse, mon moral, ma forme physique. J’ai fini par arriver, il était hors de question de baisser les bras après tant de chemin parcouru, mais ce désert d’émotion, ce vide de sensation est presque plus compliqué à surmonter que l’humidité tenace en Autriche ou pousser son vélo sur des kilomètres de parcours obligatoire inroulables au fin fond de la Serbie. Heureusement, à l’approche de l’arrivée, l’euphorie s’installe et les derniers kilomètres effacent d’un coup de baguette magique toutes ces petites peines. Il y a quand même plus dur dans la vie, la grande majorité des pilotes se rappellent toujours que ce n’est que du vélo, de ne pas prendre tout ça trop au sérieux.

Comment s’est passé pour toi le tournage du film d’Antonin ?

Ce que je peux dire, c’est qu’il [Antonin, le réalisateur] arrive toujours quand on s’y attend le moins. C’était très furtif, généralement distant, au pire quelques brèves questions pour nous faire réagir mais jamais plus. Et j’imagine que la véracité et la sensibilité du documentaire tient, entre autres, à ça. Cette capacité qu’il a d’être là sans être là, d’être bienveillant sans jamais interférer dans la course d’une quelconque aide. Avec le recul, ma mémoire met ces apparitions bout à bout et c’est un sentiment assez drôle, comme un personnage de dessin animé qui sort d’un tronc d’arbre ou d’un bosquet.

 

Peux-tu nous parler de ta prochaine course, la Three Peaks Bike Race ?

Ça sera un gros morceau. Comme pour beaucoup d’épreuves, les années passent et les parcours se corsent. Cette année, nous en aurons pour 2 600 km entre Vienne (Autriche) et Barcelone. Il faudra bien entendu valider les trois check point sur des sommets notoires en traversant les Alpes puis la France et les Pyrénées pour un total frisant les 40 000 m de dénivelé positif.

Les premiers ne mettront qu’une poignée de jours pour boucler cette affaire, mais si j’arrive à terminer l’épreuve en 10 ou 12 jours avant le « cut-off », ce sera déjà beau. Le calendrier de travail a été dense ces trois derniers mois et les sorties de longue distance moins intenses que les années précédentes pour les raisons sanitaires que l’on connaît. J’y vais pour me faire plaisir plus que par défi, j’ai l’impression que ça fait une éternité que je n’ai pas traversé de frontières ni même roulé en continu pendant plusieurs jours et nuits. J’ai vraiment hâte, ça devrait être très fun. Cette épreuve me servira de curseur pour préparer mon objectif le plus important de cette année, la Trans Pyrénées Race No2 en octobre. Voir où j’en suis sur les longs enchainements de cols, peaufiner ma machine si besoin ou au contraire valider les petits ajustements fait pendant l’hiver… Toutes ces perspectives sont très enthousiasmantes pour fêter cette liberté de circulation retrouvée.

  • 4000 KM À TRAVERS L’EUROPE EN VÉLO
  • 17 JOURS DE COURSE
  • SANS ASSISTANCE ET EN AUTONOMIE
  • 4 POINTS DE CONTRÔLE
  • NAVIGATION LIBRE
  • 250 PERSONNES AU DÉPART
  • LES PREMIERS METTENT MOINS DE 9 JOURS
  • 50% NE FINISSENT PAS DANS LE TEMPS IMPARTI
  • SEULEMENT DEUX VOITURES DE COURSE SUIVENT LES COUREURS, AVEC À BORD L’ÉQUIPE MÉDIA.
  • EN 2019, LA COURSE EST GAGNÉE PAR UNE FEMME POUR LA PREMIÈRE FOIS, FIONA KOLBINGER.
  • FONDATEUR : MIKE HALL (1981-2017) DÉCÉDÉ DURANT LA INDIAN PACIFIC WHEEL RACE, FAUCHÉ PAR UNE VOITURE SUR LA ROUTE.
  • ORGANISATEUR ACTUEL : LOST DOT WWW.FACEBOOK.COM/LOSTDOT
  • SITE WEB DE LA COURSE : WWW.TRANSCONTINENTAL.CC

📸  @Matthieu Lifschitz

👉  Manivelle, le blog de Matthieu : manivelle.cc

*Brevet Audax :

Les brevets et randonnées cyclistes organisés selon la formule Audax sont des randonnées effectuées en groupe. Ces dernières sont ouvertes à tous les types de cycles uniquement mus par la force musculaire. A l’origine, le terme Audax (du latin signifiant « audacieux ») désignait uniquement les cyclistes capables d’effectuer 200 km entre le lever et le coucher du soleil. Un brevet Audax est une épreuve de régularité et d’endurance sur une moyenne roulante maximum de 22,5 km/h, dont les participants sont tenus de respecter le Code de la Route.

Source : https://www.ffct37.org/app/download/16993187/2015+R%C3%A8glement++brevet+Audax.pdf

**Épisodes : MELONS, TRUCKS & ANGRY DOGS
The Bikes Of Wrath      (Les Vélos de la Colère)

The Bikes Of Wrath (Les Vélos de la Colère)

Les vélos de la colère, un voyage initiatique à travers les États-Unis

 

2600 km, 32 jours, une bande de potes à deux-roues et 420 dollars en poche !

Passionnés par le roman de John Steinbeck, cinq Australiens se lancent en 2015 sur les traces des Raisins de la colère (The Grapes of Wrath). Ils décident de retracer l’histoire des migrants du Dust Bowl lors de la crise des années 30. Aujourd’hui, que reste-t-il des inégalités, injustices et blessures du passé ? L’exode a-t-elle marqué le cœur des États-Unis d’une empreinte indélébile ? 

La curiosité des jeunes baroudeurs nourrit profondément leur soif d’exploration. En quête d’aventure, ils partent à la rencontre de populations résilientes. D’est en ouest, les mains sur le guidon, ils traversent le pays d’Oklahoma jusqu’à Bakersfield en Californie.

 

Une traversée à deux-roues entre amis

Les vélos de la colère quittent leur Australie natale, cap sur l’Amérique du Nord.

Âgés de 24 à 35 ans, Charlie, Oliver, Cameron, Redouane et Leon ne sont pas cyclistes professionnels, loin de là ! L’un d’eux n’a jamais fait plus de 20 bornes ! Qu’à cela ne tienne, c’est à vélo qu’ils tenteront de parcourir des milliers de kilomètres.

Au défi s’ajoute un paramètre : voyager à cinq pendant un mois avec un budget de quelques centaines de dollars  (équivalents aux 115 dollars des héros du livre de Steinbeck).

Le groupe d’aventuriers campe à la belle étoile, joue de la musique, partage des moments inoubliables, des rires et des peines. Parviendront-ils à destination ? Rencontreront-ils des obstacles en cours de route ?

Mis à rude épreuve par la fatigue et la chaleur écrasante de l’été, ils réalisent le tournage au fil du bitume et des échanges ruraux. La force de leur amitié transperce l’écran, elle est communicative et puissante.

Du cyclotourisme au documentaire humaniste

À mesure des rencontres qui paveront leur chemin, Charlie, Oliver, Cameron, Redouane et Leon font des découvertes. Au-delà du cyclotourisme, les Australiens portent un regard humaniste sur un peuple résilient. Difficile d’oublier Joe, croisé près d’une glissière d’autoroute, il est en souffrance, reclus et égaré. Les gars se demandent s’il serait une bonne idée d’appeler les urgences, les frais médicaux sont exorbitants aux États-Unis. Confrontés à la réalité, ils avancent ensemble vers l’inconnu, ces hommes et femmes, ces villes et vastes espaces.

L’un des passages des Raisins de la colère résonne : « Il disait qu’une fois, il était allé dans le désert pour tâcher de trouver son âme, et qu’il avait découvert qu’il n’avait pas d’âme à lui tout seul. Tout ce qu’il avait, c’était un petit bout d’une grande âme. Il disait que le désert, ça ne rimait à rien, s’il ne faisait pas partie du reste, s’il ne formait pas un tout ! ».

🚵 Les Vélos de la Colère (The Bikes of Wrath) est un film bouleversant de vérité et d’humanité. Il fait en partie écho à la crise sanitaire et sociale que nous traversons en ce moment.

🎬 Un documentaire en version originale sous-titrée à streamer, pour continuer à explorer le monde depuis le confort de son canapé !