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Arves-en-Ciel : Toujours plus fou

Arves-en-Ciel : Toujours plus fou

Il fallait être assez fou pour y penser, encore plus pour le faire : tendre une highline de 480 m entre deux sommets des aiguilles d’Arves, dans le massif de la Maurienne, à 3 500 m d’altitude. Derrière la prouesse, il y a surtout une incroyable aventure humaine, que nous racontent, à deux voix, Antoine Cretinon, l’un des deux slackliners qui portaient le projet, et Antoine Mesnage, le réalisateur, lui aussi slackliner.  

 

Le projet est présenté comme difficile techniquement : qu’est-ce qui aurait pu tout faire rater ?

Antoine Cretinon : La réalisation a été complexe parce qu’elle nécessitait un parfait alignement de planètes. D’abord, obtenir les autorisations nécessaires à la mise en place d’une telle installation. Ensuite, avoir un créneau de trois jours de beau temps, sans vent. Le genre de fenêtre météo qui est rare à 3 500 m d’altitude ! Il fallait donc se tenir prêt à sauter sur l’occasion dès qu’elle se présenterait. Enfin, réunir une équipe solide et complémentaire, acclimatée et prête à faire de multiples allers-retours de portage avec aucune certitude sur le résultat final ! Clairement, le projet n’aurait pas réussi si on n’avait pas eu les bonnes personnes au bon moment, lors du bon créneau météo.

 

Arves-en-Ciel

📷 crédit photo : ©Antoine Mesnage

Une grande partie du film est réalisée avec des images de drone époustouflantes : est-ce que le drone donne ses lettres de noblesse au film de highline ? 

Antoine Mesnage : Le drone permet d’avoir une image stabilisée et qui tourne autour de la ligne à 360 degrés, et c’est vrai que pour filmer un personnage sur une highline, c’est-à-dire en lévitation au milieu de nulle part, il n’y a pas de meilleur rendu, comme dans le plan séquence où je tourne autour de Camille en plein ciel. Mais le drone ne restitue pas les émotions, celles qu’on ne peut saisir qu’avec un boîtier, en plan rapproché. Donc c’est un bon complément, mais ça ne peut pas être la seule source d’images.

Est-ce que l’utilisation du drone à plus de 3000 m faisait partie des difficultés ?

Antoine Mesnage : Ce qui est compliqué pour faire voler un drone, c’est le vent. Mais comme ça pose aussi un problème pour la highline, si les conditions sont bonnes pour la traversée, elles le sont aussi pour le drone. La difficulté vient plutôt de la longueur de la ligne, parce que le drone se trouve parfois très loin, et il faut bien anticiper le retour qui peut prendre trois ou quatre minutes. Lors du passage de ligne entre les deux aiguilles effectué par le deuxième drone, j’étais tellement concentré pour filmer cet instant décisif que je n’ai pas vu que mon drone n’avait plus que 4% de batterie ! La récupération a été un grand moment de stress où je redoutais à chaque seconde de le voir se crasher dans le vide…


Arves-en-Ciel

📷 crédit photo : ©Antoine Mesnage

Que faut-il pour faire un film de highline marquant, à part un décor exceptionnel ?

Antoine Mesnage : Dans le film, je ne voulais pas qu’il y ait plus de cinq minutes de highline, parce que même si les images sont belles, ce n’est pas très dynamique, voire un peu ennuyeux si ça dure trop. Je voulais surtout axer le film sur le défi logistique, la réflexion, le rêve qui animait ce projet, le déroulement, les difficultés liées à l’ampleur du projet. Ce qui fait le film, ce sont surtout les émotions qui se dégagent, l’équipe formidable qui s’est réunie autour de cette idée, et toute l’aventure humaine que cela représentait.

Qu’est-ce que ça apporte à un réalisateur de film de highline d’être pratiquant lui-même ?

Antoine Mesnage : Le fait de pratiquer me donne la vision de ce qui va être difficile, me permet de savoir à quel moment il va y avoir plus ou moins d’émotion, et de mieux anticiper pour capturer ce que je veux dans les images.

Combien de temps ça prend pour traverser 480 m de highline à plus de 3 000 m d’altitude ?

Antoine Cretinon : Ça dépend de la vitesse de marche. Théo Sanson, le premier à l’avoir traversée sans tomber, a mis 50 minutes environ ! Personnellement, j’ai mis 25 minutes, parce que je sais que je n’ai pas l’endurance pour tenir plus de 30 minutes sur une ligne.

On est six à avoir traversé : Théo Sanson, Julien Roux, Florent Berthet, Camille Le Guellaut, Antoine Mesnage et moi. Mais j’aimerais saluer aussi les nombreuses personnes qui se sont fait plaisir dessus : Célia, Julien, Maho, Damian, Philippe, et tous ceux qui nous ont aidés au portage : Nico, Greg, Lucie, Marie, Lucas, Michel, Guilhem… Et aussi saluer la performance de Damian, qui a traversé les 480 m de slack en poulie, avec un gros sac, pour laisser Camille et Flo revenir en slackant de l’aiguille Méridionale jusqu’à la Centrale où se trouvaient les autres. Cette highline, ce n’est pas un exploit individuel de quelques personnes, mais avant tout un magnifique travail d’équipe.

 

Arves-en-Ciel

📷 crédit photo : ©Antoine Mesnage

Est-ce que tu as le sentiment que la highline n’aura plus jamais la même saveur après une réalisation aussi exceptionnelle ?

Antoine Cretinon : Je me suis posé la question, en effet. Mais finalement, ça a plus eu un effet de booster. On a montré que c’était possible de mettre une si longue highline en haute montagne, alors au contraire, on s’enlève des barrières mentales et on s’autorise à rêver plus haut, plus long !

Qu’est-ce qui pourrait être encore plus fou maintenant ?

Antoine Cretinon : Le fait d’avoir tendu une highline entre deux sommets aux aiguilles d’Arves ouvre le champ des possibilités ! Je pense notamment au massif du Mont-Blanc, où des « petites lignes » ont été ouvertes mais jamais de gros projets qui relient deux sommets distincts. Evidemment, j’ai plein d’idées en tête, et je ne dois pas être le seul ! Alors mon défi aujourd’hui, c’est de réunir ces rêveurs un peu « fous » pour créer quelque chose de beau, de grand, de surréaliste…

Quel est le Top 3 des highlines les plus improbables qui ont un jour été tendues et traversées ?

Antoine Cretinon : C’est très subjectif. Pour certains, le critère sera la longueur, sachant que le record est maintenant à 2 000 m ! Pour d’autres, ça sera la performance ou le spectacle. De mon côté, j’ai toujours été inspiré par la beauté éphémère et poétique de la highline. Si je dois en citer trois, je dirais d’abord la highline du Grépon, dans le massif du Mont-Blanc. Elle ne fait que 15 m, mais elle est comme la dernière pièce du puzzle qui complète l’authentique traversée Charmoz-Grépon. Elle a été ouverte par les Flying Frenchies, les pionniers de la highline en haute montagne, pour qui j’ai une profonde admiration. Une highline de 430 m a été installée et traversée par Pablo Signoret et Lukas Irmler avec des ancrages sur deux cascades de glace. Ça pousse le côté éphémère de la highline à l’extrême, j’adore ! Enfin j’ai également été beaucoup touché par le premier kilomètre traversé par Nathan Paulin et Danny Mensik à Aiglun. En plus de réaliser un record du monde, ils ont conservé l’idée de réaliser une ligne esthétique.

Liens utiles

🎥 Pour en savoir plus sur le réalisateur Antoine Mesnage :

https://www.instagram.com/antoine.mesnage

🤸 Son portrait vidéo :

https://youtu.be/vBg5MK4qH8E

🎬 Retrouvez le film Arves-en-Ciel dans le programme du Festival de Banff France

 https://www.banff.fr/films/

Arves-en-Ciel

📷 crédit photo : ©Antoine Mesnage

Climbing Blind : Non-voyant, Jesse Dufton grimpe « Old Man of Hoy » en tête

Climbing Blind : Non-voyant, Jesse Dufton grimpe « Old Man of Hoy » en tête

Le grimpeur britannique Jesse Dufton a quatre ans quand on lui diagnostique une maladie génétique rare qui lui détruit les cellules de la rétine. À 20 ans, il n’arrive plus à lire. À 30 ans, sa vision est réduite à une simple perception de la lumière avec un champ de vision d’environ 1 ou 2%. Pourtant, Jesse Dufton défie les diagnostics comme les lois de l’apesanteur. Il continue à grimper. En trad. Et en tête, s’il vous plaît ! Un destin hors-du commun à retrouver dans le documentaire Climbing Blind, primé dans les plus grands festivals de films d’aventure au monde (Kendal, Vancouver, Bilbao, Dijon), qui suit le parcours exceptionnel de Jesse autour d’un défi tout aussi incroyable : être le premier grimpeur non-voyant à escalader en tête l’emblématique pilier écossais du « Old Man of Hoy ». Près de 140m de grès friable, balayé par la mer et par les vents. Chiche ?

Un destin hors du commun

Suivre le parcours du grimpeur britannique Jesse Dufton, c’est à la fois découvrir une détermination et une force de caractère hors-normes mais c’est aussi embrasser un destin exceptionnel, qui renverse les idées toutes faites et repousse les frontières du handicap. Sur les traces de son père, alpiniste émérite et membre d’une équipe de secours en montagne, Jesse Dufton commence à grimper très jeune : première voie à 2 ans, première falaise à 11 ans. Mais entre ces deux périodes, un diagnostic médical vient bouleverser la vie du jeune Britannique : Jesse est atteint d’une maladie génétique rare qui lui fait, petit à petit, perdre la vue. Étudiant à la fac de Bath, le jeune homme s’inscrit au club d’alpinisme. Entouré d’amis qui le soutiennent dans sa pratique, il s’adonne avec joie à sa passion, fait de l’escalade sur glace, découvre le style alpin. Et par-dessus tout, Jesse rencontre Molly, une jeune femme sportive et brillante qui sera sa plus fidèle compagne de cordée avant de devenir « ses yeux » au pied des voies et sa femme dans la vie.

Climbing Blind - Jesse & Molly

Quand Jesse rencontre Molly

À tout juste 20 ans et un doctorat en cours, la vue du jeune homme se détériore. Jesse n’arrive plus à lire. Face à la maladie et au handicap, cet amoureux du rocher et des belles choses s’adapte. Il continue ainsi à vivre sa passion de l’escalade, malgré sa cécité grandissante. À 30 ans, il ne perçoit désormais plus que des ombres… Pourtant, en paroi comme dans sa vie comme, Jesse agit avec calme et sérénité. Certains diraient aisément avec un flegme et des traits d’humour dont seuls les Britanniques ont le secret : « Pour moi, traverser la route est bien plus dangereux que faire de l’escalade ! » s’écrit-il, face caméra, un généreux sourire en bandoulière.

Climbing Blind - Old Man of Hoy

Une aventure humaine plus qu’un défi sportif

En 2017, Jesse Dufton rejoint l’équipe nationale britannique d’handi-grimpe. Mais à mesure que ses bras prennent de la puissance, ses yeux l’abandonnent : Jesse ne voit plus que du flou, ne distingue même plus sa main devant son visage. Pour autant, rien ne l’arrête. Courant 2019, avec deux premières au Groenland (par – 20° !) en compagnie de Molly en poche, l’insolite défi d’aller se confronter au grès rouge de « The Old Man of Hoy » en trad et en tête arrive tout naturellement. Jesse se sent prêt. Nous sommes sur la côte ouest de l’île Hoy dans les Orcades, au Nord de l’Écosse, à cinq heures de route de la capitale Édimbourg. Deux ferries et une marche d’approche vertigineuse plus tard, Jesse est au pied de ce pilier légendaire de 137 mètres de haut (côté 6a+ > 6a). Entre roche délicate, rafales de vent et mouettes rieuses, Jesse s’élance dans la voie. En trad et en tête, donc. Son seul guide face à la puissance des éléments ? La voix de Molly, son alter ego dans la vie comme sur le caillou. On laissera à Jesse le mot de la fin : « I am not disabled, but blind and able », comprenez « Je ne suis pas handicapé mais aveugle et capable ». Une phrase qui claque plus fort qu’un clip de dégaine. Et nous voilà, derrière l’écran, à transpirer sévère. Mais surtout à prendre une belle leçon de vie. « Vaché, Molly ! ».

Alastair Lee, réalisateur de l’extrême

Pour filmer ce destin hors du commun, il fallait bien tout le génie du réalisateur et producteur Alastair Lee (Al pour les intimes !) déjà à l’œuvre sur The Asgard Project (2010) et Spectre Expedition : Mission Antarctica (2019), deux films mythiques sélectionnés pour le Banff Centre Mountain Film and Book Festival. Amoureux des sports extrêmes, le photographe et réalisateur britannique a parcouru le monde, de l’île de Baffin à la jungle vénézuélienne, pour filmer et photographier les plus grands athlètes. Mais surtout, révéler à l’écran le portrait de personnages hors normes, d’aventures humaines exceptionnelles avec un sens aigu du storytelling. Pour Climbing Blind, au-delà de l’histoire incroyable de Jesse & Molly Dufton et des paysages époustouflants qu’offrent les falaises emblématiques de « The Old Man of Hoy », il y a pour Al Lee à la fois un défi technique considérable et un questionnement d’ordre éthique : alors qu’il va être au-dessus de Jesse pour filmer sa progression sur la paroi, se doit-il d’intervenir si l’athlète dévie de la voie ? Le résultat est saisissant : au-delà de la prouesse technique, le film s’élève, tel cette tour de grès d’une sauvage beauté au milieu des éléments déchaînés, comme un monument de sincérité et d’humanité. Et résonne comme un hymne au dépassement de soi et à la résilience.

🧗‍♂ Pour en savoir plus sur le grimpeur Jesse Dufton :

https://jessedufton.com

🎥 Pour en savoir plus sur le réalisateur Alastair Lee :

https://www.posingproductions.com

🔎 Articles autour du film :

Article paru sur Montagnes Mag

Article paru sur Outside.fr

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🎬 Retrouvez le film Climbing Blind dans le programme vert 100% escalade du meilleur du Festival de Banff sur Bonne Projection jusqu’au 18 avril 2021