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Durant deux années, Cédric Lachat et ses compagnons de cordée (Nina Caprez, Mélissa Le Nevé, Tobias Suter, Fabien Dugit) relèvent le défi de gravir et filmer les itinéraires les plus difficiles de cinq parois mythiques en Suisse. En résulte Swissway to Heaven, un film de grimpe immersif, au ton décalé, qui met en relief l’histoire de l’escalade helvétique. En route vers ce « petit paradis » voisin, encore trop souvent méconnu !

Cédric Lachat est de ces sportifs de haut-niveau à qui l’on taperait volontiers la bise. Ou une belle claque dans l’épaule. Les yeux rieurs et un franc humour vissé au corps (de ceux capables de décorner les plus robustes de nos précieuses laitières), ce « petit Suisse du Jura » a 36 ans et grimpe depuis l’âge de 11 ans. À 12 ans, il débute les compétitions, à 13 ans, les circuits internationaux. C’est dire le potentiel du jeune homme. À 18 ans, Cédric devient grimpeur pro et multiplie les podiums en Coupes du Monde et autres championnats. Une dizaine d’années plus tard, il met un terme à la compétition pour se consacrer exclusivement à la falaise et aux grandes voies. « C’est à ce moment-là que j’ai commencé à réaliser des films pour partager ma passion avec le public », renchérit-il. 

Cédric Lachat et Tobias Suter sur l'ascension de "Odyssee" à l'Eiger - Juillet 2019 © Guillaume Broust

La naissance du projet

Cédric cherche une nouvelle vidéo à réaliser. « Quelque chose de différent » de ce qu’il a déjà réalisé comme films d’escalade et de grandes voies. Le grimpeur ne veut pas se répéter. L’idée qu’il a en tête : montrer les plus beaux massifs suisses en grimpant les grandes voies les plus difficiles « tout en ajoutant un truc en plus, un côté historique pour donner de la vie au film, faire la relation entre « l’avant » et le « maintenant » ». Donner une dimension humaine à l’aventure sportive.  Il écrit le dossier et lance le projet de réaliser les cinq grandes voies les plus difficiles de Suisse en un an… ou presque.

Les piliers du projet :

  • Partir de l’histoire de la montagne et de l’alpinisme pour comprendre l’essence de l’escalade libre.
  • Faire le récit en images de cette évolution passionnante pour expliquer à quel point la difficulté de ces lignes dépasse l’imaginaire des premiers ouvreurs
  • Réaliser une prouesse physique et sportive en réalisant toutes ces voies dans la même année
  • Montrer que la Suisse est un paradis pour les grimpeurs débutants et les plus expérimentés. Peu de gens savent que les grandes parois suisses regorgent de voies accessibles à tous.

 

Lauterbrunnen "The Fly" Cedric Lachat and Tobias Suter © Guillaume Broust

Topo des grandes voies & des massifs choisis

  • Eiger : « Odyssée », 8a+, 1400 m (avec Tobias Suter)
  • Lauterbrunnen : « The Fly », 8c, 550 m (avec Tobias Suter)
  • Gastlosen : « Yeah Man », 8b+, 330 m (avec Mélissa Le Nevé)
  • Wenden : « Zahir », 8b+, 300 m (avec Fabien Dugit)
  • Rätikon : « Wögu », 8c, 350 m (avec Nina Caprez)

Filmer et enchaîner, un vrai casse-tête

Faire découvrir ces parois et ces grandes voies mythiques tout en rendant accessible au plus grand nombre l’histoire et l’évolution de la grimpe helvète (à travers des images d’archives sur l’évolution du matériel ou des interviews avec des précurseurs tels que les ouvreurs Roger Schäli, Beat Kammerlander, Stephan Siegrist ou Claude Rémy), voilà le projet ambitieux de Cédric Lachat. Soit, comprenez entre les lignes, qu’il lui a fallu enchaîner les voies dans un timing serré avec tous les impératifs que demandaient la prise d’images et le tournage en paroi. Deux années de pur bonheur, mais de stress aussi.

« Réaliser un tournage en paroi, c’est déjà compliqué. Alors en réaliser 5 pour un même film, c’est un vrai casse-tête »

« J’étais constamment sous pression durant 2 ans. Réaliser un tournage en paroi, c’est déjà compliqué. Alors en réaliser 5 pour un même film, c’est un vrai casse-tête avec une pression financière énorme ! La météo ne fonctionne jamais comme on veut, il faut toujours s’adapter, changer les plans. S’adapter aussi au planning et aux impératifs de chacun. Mais le travail d’organisation et de coordination en équipe, cela fait partie de mon travail. Cela demande beaucoup d’expérience, c’est du stress permanent. Le projet ne tient souvent à rien… Mais il ne faut jamais rien lâcher et toujours se battre pour que ça fonctionne ! ».

En parallèle de séquences de grimpe extrêmes dans le 8ème degré donc, des ouvreurs emblématiques présentent l’histoire de l’équipement et l’évolution de la pratique, depuis l’alpinisme classique jusqu’à l’escalade moderne.

WoGü - Cedric Lachat and Nina Caprez © Guillaume Broust

La Suisse, paradis pour les grandes voies

La Suisse est un petit paradis pour les grimpeurs : elle regorge de parois exceptionnelles. Pourquoi parcourir le monde alors que son pays natal regorge de lignes magnifiques ? En tant qu’helvète, Cédric a voulu faire connaître au grand public ces lieux et l’aventure humaine qu’ils représentent à travers un film, en faisant appel aux meilleurs grimpeurs européens pour l’accompagner dans ce projet.

Transmettre l’amour de la grimpe comme la beauté de son pays chéri, voilà bien ce qui a dicté le propos de Cédric Lachat tout au long du projet. Alors, la Suisse, ça joue ou bien ? Le petit pays au drapeau rouge et blanc et à l’accent chantant, est souvent méconnu des Français, pourtant il a effectivement tout d’un petit « paradis » pour les grandes voies. Ce film en est un précieux exemple. « La Suisse est un pays assez cher et souvent les Français n’y pensent pas pour cette raison. Ensuite, la mode est de partir dans le sud ou plus loin pour grimper. Mais j’espère que le film va montrer que ce pays fait partie des plus beaux endroits au monde pour l’escalade de grandes voies ».

Un défi physique colossal

Si Swissway to Heaven était un vrai défi logistique et technique, le projet a aussi été une prouesse physique colossale qui a entamé les corps. Cédric l’avoue : « Je grimpe dans le haut niveau depuis gamin, je commence à en ressentir les traces. Le projet était fatiguant, je n’avais pas le droit de me reposer quand les douleurs étaient présentes. Il fallait finir le tournage. Mais cela fait partie de la vie de sportif professionnel. Notre corps est notre instrument de travail et quelquefois, il faut le pousser à ses limites…».

Mais le film n’en aucun cas entamé la confiance des uns envers les autres. Au contraire, avec des organismes mis à rude épreuve, le projet a resserré les liens : « À notre niveau et dans ce type de voie, on fait beaucoup de grosses chutes. Mais la chute va avec le niveau. On sait tomber et surtout assurer sans risquer de se faire mal ». Cédric renchérit : « Je n’aimais juste pas quand j’assurais Nina [Caprez] qu’elle prenne des vols gigantesques car à chaque fois je finissais la tête dans le relais… et il faut quand-même être très précis ».

« Quand on assure, on a la confiance de l’autre à 100 %, alors on n’a pas droit à l’erreur sur la précision d’assurage »

Swissway to Heaven - Wenden © Marc Daviet

Une plongée au cœur de la cordée

Swissway to Heaven est donc un film à la fois très personnel et très immersif : on a comme l’impression d’être au sein de la cordée, « au plus près » de la grimpe et des compagnons de Cédric : Nina Caprez, Mélissa Le Nevé, Tobias Suter ou encore Fabien Dugit.

Bim, bam, boum, nous voilà avec les mains moites et le cœur qui sprinte devant ces ascensions engagées sur des parois légendaires.

Les images ont été capturées avec brio par des grands noms de la grimpe et de l’outdoor : Mathis Dumas au cadrage, Marc Daviet à la photographie et Guillaume Broust à la réalisation. « Avec Guillaume, on se connaissait déjà pas mal, nous sommes des amis. Cela lui a permis de rentrer dans nos vies pour filmer chaque émotion. Il y a vraiment un esprit de confiance entre lui et nous. Des tournages en paroi, ça soude les personnes et l’équipe. On vit des moments forts, beaux, joyeux, compliqués, etcEnsuite pour le montage, Guillaume échangeait constamment avec nous, afin de trouver les bonnes idées et les bonnes directions pour le film ».

Grimper sans prise de tête

L’échange et la transmission, toujours, comme véritables moteurs. Mais aussi, l’humour et l’auto-dérision, comme meilleures armes : « Dans mes films, je veux que ce soit ma vraie personne ! Je suis un peu un clown de temps en temps. Mais c’est plus rigolo ! Il faut un peu d’humour dans la vie, surtout lorsque l’on passe son temps dans la difficulté. En tout cas, j’aime faire des films avec un mélange d’humour, de sérieux et de haut niveau. L’escalade m’ennuie, s’il n’y a que cela… donc j’essaie de trouver le juste milieu ».

L’après-film

Cet ultime challenge technique, logistique et sportif, relevé avec brio, Cédric Lachat est déjà sur un autre projet. Mais en spéléo cette fois, son autre credo : « Je suis en train de réaliser un nouveau film pour 2022 ou 2023. C’est un projet qui prend du temps. On réalise les images à 900 mètres sous terre ! Donc c’est toute une mission de descendre au fond… » Et pour l’escalade ? « On verra cet hiver les projets que je vais mettre en place. En attendant, il faut déjà que je m’occupe d‘organiser les projections de Swissway to Heaven… ». Un tantinet hyperactif, le mister Cédric ? Si peu. Quoi, vous ne l’avez pas vu ranger sa vaisselle dans son van ?!

Fly Spiti - John Stapels

🧗‍♂ Pour en savoir plus :

Page Facebook de Cédric

Site de Guillaume Broust

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