Charles Albert Libre comme l’air

Charles Albert Libre comme l’air

Il grimpe pieds nus, il est très fort, il a des cheveux à faire mannequin shampoing, il vit dans la forêt pour essayer des blocs extrêmes improbables à un seul mouvement… Charles Albert a tout d’une légende. Rencontre avec un grimpeur épris de liberté, en escalade comme dans la vie, a découvrir dans le film Barefoot Charles *.

Depuis combien de temps tu habites dans cette grotte ?

Ça fait quatre ans, mais j’y suis surtout quand il fait froid, parce que les conditions de grimpe sont les meilleures. J’aime bien être à côté de mes projets. Et puis c’est dans mon caractère, j’aime avoir de l’espace. En ce moment, j’essaye de l’aménager pour qu’elle soit plus confortable, pour pouvoir y rester même quand je ne grimpe pas. Sinon en été, je suis chez mon père. Et là, je reviens tout juste de chez un pote, vers Genève, parce qu’il habite pas loin d’un passage d’escalade que j’ai envie d’essayer.

Pourquoi tu as décidé de grimper pieds nus ?

Bah les chaussons ça pue et c’est moche et ça fait mal aux pieds. Ça fait trois raisons non négligeables !

Et ça change quoi dans l’escalade ?

En fait ça change la manière de grimper pour se faire moins mal. Au début, on ne sait pas trop ce qui fait mal aux pieds, mais souvent ça coupe, ça blesse, alors on apprend à placer son pied pour faire en sorte d’éviter la douleur. Et petit à petit, comme avec les doigts, on peut gagner en force et en dextérité.

Et pourquoi le bloc plutôt que la falaise ?

Parce que j’habite à Fontainebleau, c’est une bonne raison. Et le matériel, je trouve ça pénible. Avant, la corde servait seulement pour la sécurité, en cas de chute, ou pour être sûr de redescendre. Mais ça ne servait pas à gravir la paroi. Maintenant, sans corde dynamique ni spits bien vissés, jamais la voie n’existe ! Le matériel devient nécessaire à l’existence d’une voie. C’est là qu’on sort de l’escalade libre. Et moi, j’aime l’escalade libre.

Tu pratiques aussi le solo, alors ?

Occasionnellement. Je me cantonne à des trucs faciles, en dessous du 7. Ce qui est cool en solo, c’est qu’il n’y a pas de tracé défini, tu vas où tu veux, comme une balade sur la paroi.

Dans le film Barefoot Charles*, on découvre que tu es capable d’essayer pendant des années le même mouvement. Quel est le projet que tu as essayé le plus longtemps ?

C’est le bloc qu’on voit dans le film avec une inversée et deux mouvements. Ça fait à peu près cinq ans que je l’essaye.

Et un que tu as essayé pendant des années mais que tu as fini par réussir ?

Il y aurait La Révolutionnaire, 8C+, au Gros Sablon. J’ai commencé à l’essayer quand j’étais au lycée. À chaque fois je demandais à mon père de m’y amener ! Et puis je l’ai réussi l’année après le bac, en 2017.

Si tu n’y arrives pas, à quel moment tu vas te décider à renoncer ?

Si j’arrête d’essayer, c’est que je n’y vois plus d’intérêt et que ça ne m’amuse plus. Parce que ça ne m’apporte plus rien et que je ne progresse plus. Quand je vais essayer un de mes projets, c’est que dans ma séance je veux expérimenter quelque chose de spécifique. J’y retourne tant que je n’ai pas pu essayer correctement. Si ça ne marche pas, tant que je n’ai pas de nouvelle idée, je n’y retourne pas.

Dans le film aussi, on découvre que tu pratiques le chant. C’est ton côté musicien ?

Au départ j’ai été attiré par le chant pour l’escalade, car c’est une approche différente du corps que celle qui prévaut dans pas mal de sports, dont la grimpe, où la progression s’envisage surtout musculairement : tu essayes un mouvement, tu le répètes, tes muscles surcompensent, et tu progresses. Et tu vas essayer des choses de plus en plus dures pour devenir plus puissant. C’est assez primaire, comme approche. Dans le chant, si tu n’arrives pas à produire un son, tu auras beau essayer, tu ne progresseras pas. Cela ressemblait un peu aux passages que j’essayais. En chant, pour avoir une jolie voix, c’est une question de positionnement et de ressenti. C’est quelque chose dont mon corps avait naturellement besoin. Ce qui m’intéresse dans le chant, c’est cette histoire de posture. Ce n’est pas la musique…

Comment as-tu trouvé le film ?

Plutôt sympa. Je pensais que ça allait être beaucoup moins bien ! J’ai trouvé que ça me ressemblait assez, je me suis bien retrouvé dans l’esprit du film.

Quel message tu voulais que les spectateurs en retirent ?

[Silence] Je peux réfléchir ? [Re-silence] Je me suis dit que ça pourrait être bénéfique pour certains pour prendre du recul et se regarder autrement, avec une autre perspective. À un moment, je parlais à l’équipe de tournage d’un livre que j’apprécie, Le Neveu de Rameau, de Diderot, et je leur explique que c’est un dialogue entre un penseur et un gars un peu farfelu qui questionne des choses qu’on trouve évidentes. Et là, ils avaient trouvé leur fil conducteur parce qu’ils avaient précisément ressenti ça en me rencontrant, cette idée de « questionner l’évidence ». C’est ce qu’ils ont voulu faire partager au spectateur, et à travers le film d’amener les gens à se questionner sur des choses qui leur semblent certaines.

Est-ce qu’il y a eu des imprévus, des anecdotes pendant le tournage ?

On a eu un problème pour la réalisation du film, c’est qu’il manquait des images d’escalade ! En fait je grimpe assez peu, en une semaine je fais rarement plus de trois après-midis.

Et qu’est-ce que tu fais tout le reste du temps ?

Je ramasse du bois, je discute avec le boulanger du village, je vais voir des copains… Pour faire mes courses ça me prend une journée ! Deux heures de marche pour aller à la ville, et autant pour revenir. Mais je n’ai pas de boulot, alors j’ai le temps. Aujourd’hui, j’ai fait des étirements. J’ai décidé ça ce matin, parce que j’avais envie. Cette liberté de faire ce que je veux, c’est un luxe, qu’il faut prendre. En fait c’est plutôt un privilège, car un privilège, ça se prend, ça ne se donne pas.

Tu te vois vivre comme ça encore longtemps ?

Je réfléchis à devenir grimpeur pro. Mais je ne suis pas certain de le faire. Sinon pour rigoler j’avais aussi pensé à devenir mannequin. Pour rencontrer des jolies filles.

Où on te retrouve dans dix ans ?

Sûrement toujours autour de Fontainebleau, mais je ne serai plus en train de grimper des passages difficiles en escalade, ça ne sera plus mon plaisir d’essayer des projets, d’être dans le haut niveau. Je profiterai de la vie.

📷 Neil Hart, Stéphan Denys

*Barefoot Charles, au programme du REEL ROCK 16, en tournée en France du 3 au 20 octobre 2022.

Dates et billet ▶️ www.reelrock.fr

Learning to Drown : mais qui est vraiment Jess Kimura ?

Learning to Drown : mais qui est vraiment Jess Kimura ?

C’est sans doute l’une des snowboardeuses les plus marquantes de sa génération. La première fois que Jess Kimura s’est fait remarquer dans la discipline, c’était dans le film Right Brain Left Brain, produit par Think Tank en 2010. La séquence d’ouverture, c’était elle. Par la suite, elle a reçu toutes les distinctions possibles et était au sommet de son art quand sa vie a basculé. Dans Learning to Drown, le film réalisé en 2021 par Ben Knight, Jess se raconte sans fard, revisitant intimement sa vie avant et après ce drame.

Des années de combat

En 2014, Mark Dickson, le compagnon de Jess, disparaît tragiquement dans un accident. Jess connaîtra ensuite des années de souffrance, de peur et de dépression.

Longtemps après, elle a ressenti le besoin de revenir sur cette période sombre, et sur son chemin pour en sortir. Parce que « Les témoignages de gens qui avaient traversé des épreuves semblables, ça m’a énormément aidée », dit-elle. Le film plonge dans l’intimité de sa carrière en snowboard, de sa souffrance, et de son combat pour ne pas sombrer. À l’idée d’apporter aujourd’hui, à travers son témoignage, du réconfort à ceux qui luttent pour s’en sortir, Jess reste humble : « C’est difficile de tenir le rôle d’exemple quand j’ai moi-même des rechutes, ou que j’ai l’impression d’avoir encore pas mal de trucs à régler dans ma propre vie ! Et ça peut paraître drôle mais ça m’arrive de me sentir vraiment au fond du trou et désespérée, alors je regarde le film [Learning to Drown], et ça me rappelle que parfois tout va mieux. Donc pour ce qui est de montrer l’exemple, c’est plutôt savoir me montrer fragile et sincère par rapport à ce que j’ai traversé, en espérant que cela en aidera d’autres à se sentir moins seuls dans leur propre épreuve. »

📷 The North Face

Pas de demi-mesure

Avec Jess, il n’y a pas de demi-mesure, qu’il s’agisse de se montrer telle qu’elle est dans Learning to Drown, ou de se donner à fond dans les projets qui la passionnent. Au début de sa carrière de snowboardeuse, Jess ne se retrouvait pas dans les athlètes qui représentaient la discipline. Elle s’est battue pour une reconnaissance qu’elle a finalement obtenue grâce à ses apparitions dans des films de snowboard essentiellement masculins. Petit à petit, elle est devenue une référence pour les filles dans le monde du snowboard. En juste retour des choses, elle s’attache maintenant à financer, produire et diffuser des projets de films entièrement féminins, comme The Uninvited en 2018, ou The Uninvited 2 en 2020, et travaille actuellement sur The Uninvited 3 qui sortira en fin d’année. « Ça me fait super plaisir de le voir se concrétiser, précise Jess. C’est très inspirant et impressionnant de voir le niveau qu’atteignent les filles aujourd’hui ! Je m’efforce de mettre la même passion et les mêmes efforts pour montrer ça le mieux possible. »

📷 The North Face

« Fermer les yeux et se lancer »

Quand il a commencé à se pencher sur l’histoire de Jess dans l’idée de réaliser ce qui allait devenir Learning to Drown, Ben Knight a été instantanément convaincu. « On s’est donné rendez-vous pour un café, et dès les premiers instants j’ai su que ça allait le faire. En dix-huit ans de métier, jamais je n’ai vu personne donner autant d’énergie que Jess, et je voulais restituer cela à travers le montage et faire quelque chose de spécial qui traduise tout le respect que m’inspire sa personne. »

Dans le film, Jess se livre, authentique, face caméra, et partage son vécu en toute sincérité. Des séances de confidences qui pourraient être éprouvantes, mais il en faut plus pour déstabiliser Jess. « Je crois qu’en général, j’ai du mal à être autre chose que entière et directe. Parfois, ça m’a d’ailleurs joué des mauvais tours. Mais c’est plus fort que moi, je dis les choses comme elles sont et sans les édulcorer. Bien sûr que ça fait peur de tout déballer et de s’exposer comme ça aux jugements et aux critiques des gens. Mais pour moi, c’est la même façon de faire qu’en snowboard… fermer les yeux et se lancer avant d’avoir eu le temps de changer d’avis ! »

À voir dans le programme rouge du meilleur de Banff en VOD, jusqu’au 15 mai sur www.bonne-projection.com.

🤳 Instagram : https://www.instagram.com/jess.kimura

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