« Swissway to Heaven », lâodyssĂ©e suisse
Durant deux annĂ©es, CĂ©dric Lachat et ses compagnons de cordĂ©e (Nina Caprez, MĂ©lissa Le NevĂ©, Tobias Suter, Fabien Dugit) relĂšvent le dĂ©fi de gravir et filmer les itinĂ©raires les plus difficiles de cinq parois mythiques en Suisse. En rĂ©sulte Swissway to Heaven, un film de grimpe immersif, au ton dĂ©calĂ©, qui met en relief lâhistoire de l’escalade helvĂ©tique. En route vers ce « petit paradis » voisin, encore trop souvent mĂ©connu !
CĂ©dric Lachat est de ces sportifs de haut-niveau Ă qui lâon taperait volontiers la bise. Ou une belle claque dans lâĂ©paule. Les yeux rieurs et un franc humour vissĂ© au corps (de ceux capables de dĂ©corner les plus robustes de nos prĂ©cieuses laitiĂšres), ce « petit Suisse du Jura » a 36 ans et grimpe depuis lâĂąge de 11 ans. Ă 12 ans, il dĂ©bute les compĂ©titions, Ă 13 ans, les circuits internationaux. Câest dire le potentiel du jeune homme. Ă 18 ans, CĂ©dric devient grimpeur pro et multiplie les podiums en Coupes du Monde et autres championnats. Une dizaine dâannĂ©es plus tard, il met un terme Ă la compĂ©tition pour se consacrer exclusivement Ă la falaise et aux grandes voies. « Câest Ă ce moment-lĂ que jâai commencĂ© Ă rĂ©aliser des films pour partager ma passion avec le public », renchĂ©rit-il.Â
La naissance du projet
CĂ©dric cherche une nouvelle vidĂ©o Ă rĂ©aliser. « Quelque chose de diffĂ©rent » de ce quâil a dĂ©jĂ rĂ©alisĂ© comme films dâescalade et de grandes voies. Le grimpeur ne veut pas se rĂ©pĂ©ter. LâidĂ©e quâil a en tĂȘte : montrer les plus beaux massifs suisses en grimpant les grandes voies les plus difficiles « tout en ajoutant un truc en plus, un cĂŽtĂ© historique pour donner de la vie au film, faire la relation entre « lâavant » et le « maintenant » ». Donner une dimension humaine Ă lâaventure sportive.  Il Ă©crit le dossier et lance le projet de rĂ©aliser les cinq grandes voies les plus difficiles de Suisse en un an⊠ou presque.
Les piliers du projet :
- Partir de lâhistoire de la montagne et de lâalpinisme pour comprendre lâessence de lâescalade libre.
- Faire le rĂ©cit en images de cette Ă©volution passionnante pour expliquer Ă quel point la difficultĂ© de ces lignes dĂ©passe lâimaginaire des premiers ouvreurs
- RĂ©aliser une prouesse physique et sportive en rĂ©alisant toutes ces voies dans la mĂȘme annĂ©e
- Montrer que la Suisse est un paradis pour les grimpeurs débutants et les plus expérimentés. Peu de gens savent que les grandes parois suisses regorgent de voies accessibles à tous.
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Topo des grandes voies & des massifs choisis
- Eiger : « Odyssée », 8a+, 1400 m (avec Tobias Suter)
- Lauterbrunnen : « The Fly », 8c, 550 m (avec Tobias Suter)
- Gastlosen : « Yeah Man », 8b+, 330 m (avec Mélissa Le Nevé)
- Wenden : « Zahir », 8b+, 300 m (avec Fabien Dugit)
- RÀtikon : « Wögu », 8c, 350 m (avec Nina Caprez)
Filmer et enchaĂźner, un vrai casse-tĂȘte
Faire dĂ©couvrir ces parois et ces grandes voies mythiques tout en rendant accessible au plus grand nombre lâhistoire et lâĂ©volution de la grimpe helvĂšte (Ă travers des images dâarchives sur lâĂ©volution du matĂ©riel ou des interviews avec des prĂ©curseurs tels que les ouvreurs Roger SchĂ€li, Beat Kammerlander, Stephan Siegrist ou Claude RĂ©my), voilĂ le projet ambitieux de CĂ©dric Lachat. Soit, comprenez entre les lignes, quâil lui a fallu enchaĂźner les voies dans un timing serrĂ© avec tous les impĂ©ratifs que demandaient la prise dâimages et le tournage en paroi. Deux annĂ©es de pur bonheur, mais de stress aussi.
« RĂ©aliser un tournage en paroi, câest dĂ©jĂ compliquĂ©. Alors en rĂ©aliser 5 pour un mĂȘme film, câest un vrai casse-tĂȘte »
« JâĂ©tais constamment sous pression durant 2 ans. RĂ©aliser un tournage en paroi, câest dĂ©jĂ compliquĂ©. Alors en rĂ©aliser 5 pour un mĂȘme film, câest un vrai casse-tĂȘte avec une pression financiĂšre Ă©norme ! La mĂ©tĂ©o ne fonctionne jamais comme on veut, il faut toujours sâadapter, changer les plans. Sâadapter aussi au planning et aux impĂ©ratifs de chacun. Mais le travail dâorganisation et de coordination en Ă©quipe, cela fait partie de mon travail. Cela demande beaucoup dâexpĂ©rience, câest du stress permanent. Le projet ne tient souvent Ă rien… Mais il ne faut jamais rien lĂącher et toujours se battre pour que ça fonctionne ! ».
En parallĂšle de sĂ©quences de grimpe extrĂȘmes dans le 8Ăšme degrĂ© donc, des ouvreurs emblĂ©matiques prĂ©sentent lâhistoire de lâĂ©quipement et l’Ă©volution de la pratique, depuis l’alpinisme classique jusquâĂ lâescalade moderne.
La Suisse, paradis pour les grandes voies
La Suisse est un petit paradis pour les grimpeurs : elle regorge de parois exceptionnelles. Pourquoi parcourir le monde alors que son pays natal regorge de lignes magnifiques ? En tant quâhelvĂšte, CĂ©dric a voulu faire connaĂźtre au grand public ces lieux et lâaventure humaine quâils reprĂ©sentent Ă travers un film, en faisant appel aux meilleurs grimpeurs europĂ©ens pour lâaccompagner dans ce projet.
Transmettre lâamour de la grimpe comme la beautĂ© de son pays chĂ©ri, voilĂ bien ce qui a dictĂ© le propos de CĂ©dric Lachat tout au long du projet. Alors, la Suisse, ça joue ou bien ? Le petit pays au drapeau rouge et blanc et Ă lâaccent chantant, est souvent mĂ©connu des Français, pourtant il a effectivement tout dâun petit « paradis » pour les grandes voies. Ce film en est un prĂ©cieux exemple. « La Suisse est un pays assez cher et souvent les Français nây pensent pas pour cette raison. Ensuite, la mode est de partir dans le sud ou plus loin pour grimper. Mais jâespĂšre que le film va montrer que ce pays fait partie des plus beaux endroits au monde pour lâescalade de grandes voies ».
Un défi physique colossal
Si Swissway to Heaven Ă©tait un vrai dĂ©fi logistique et technique, le projet a aussi Ă©tĂ© une prouesse physique colossale qui a entamĂ© les corps. CĂ©dric lâavoue : « Je grimpe dans le haut niveau depuis gamin, je commence Ă en ressentir les traces. Le projet Ă©tait fatiguant, je nâavais pas le droit de me reposer quand les douleurs Ă©taient prĂ©sentes. Il fallait finir le tournage. Mais cela fait partie de la vie de sportif professionnel. Notre corps est notre instrument de travail et quelquefois, il faut le pousser Ă ses limitesâŠÂ».
Mais le film nâen aucun cas entamĂ© la confiance des uns envers les autres. Au contraire, avec des organismes mis Ă rude Ă©preuve, le projet a resserrĂ© les liens : « à notre niveau et dans ce type de voie, on fait beaucoup de grosses chutes. Mais la chute va avec le niveau. On sait tomber et surtout assurer sans risquer de se faire mal ». CĂ©dric renchĂ©rit : « Je nâaimais juste pas quand jâassurais Nina [Caprez] quâelle prenne des vols gigantesques car Ă chaque fois je finissais la tĂȘte dans le relais⊠et il faut quand-mĂȘme ĂȘtre trĂšs prĂ©cis ».
« Quand on assure, on a la confiance de lâautre Ă 100 %, alors on nâa pas droit Ă lâerreur sur la prĂ©cision dâassurage »
Une plongĂ©e au cĆur de la cordĂ©e
Swissway to Heaven est donc un film Ă la fois trĂšs personnel et trĂšs immersif : on a comme lâimpression dâĂȘtre au sein de la cordĂ©e, « au plus prĂšs » de la grimpe et des compagnons de CĂ©dric : Nina Caprez, MĂ©lissa Le NevĂ©, Tobias Suter ou encore Fabien Dugit.
Bim, bam, boum, nous voilĂ avec les mains moites et le cĆur qui sprinte devant ces ascensions engagĂ©es sur des parois lĂ©gendaires.
Les images ont Ă©tĂ© capturĂ©es avec brio par des grands noms de la grimpe et de lâoutdoor : Mathis Dumas au cadrage, Marc Daviet Ă la photographie et Guillaume Broust Ă la rĂ©alisation. « Avec Guillaume, on se connaissait dĂ©jĂ pas mal, nous sommes des amis. Cela lui a permis de rentrer dans nos vies pour filmer chaque Ă©motion. Il y a vraiment un esprit de confiance entre lui et nous. Des tournages en paroi, ça soude les personnes et lâĂ©quipe. On vit des moments forts, beaux, joyeux, compliquĂ©s, etc⊠Ensuite pour le montage, Guillaume Ă©changeait constamment avec nous, afin de trouver les bonnes idĂ©es et les bonnes directions pour le film ».
Grimper sans prise de tĂȘte
LâĂ©change et la transmission, toujours, comme vĂ©ritables moteurs. Mais aussi, lâhumour et lâauto-dĂ©rision, comme meilleures armes : « Dans mes films, je veux que ce soit ma vraie personne ! Je suis un peu un clown de temps en temps. Mais câest plus rigolo ! Il faut un peu dâhumour dans la vie, surtout lorsque lâon passe son temps dans la difficultĂ©. En tout cas, jâaime faire des films avec un mĂ©lange dâhumour, de sĂ©rieux et de haut niveau. Lâescalade mâennuie, sâil nây a que cela⊠donc jâessaie de trouver le juste milieu ».
LâaprĂšs-film
Cet ultime challenge technique, logistique et sportif, relevĂ© avec brio, CĂ©dric Lachat est dĂ©jĂ sur un autre projet. Mais en spĂ©lĂ©o cette fois, son autre credo : « Je suis en train de rĂ©aliser un nouveau film pour 2022 ou 2023. Câest un projet qui prend du temps. On rĂ©alise les images Ă 900 mĂštres sous terre ! Donc câest toute une mission de descendre au fondâŠÂ » Et pour lâescalade ? « On verra cet hiver les projets que je vais mettre en place. En attendant, il faut dĂ©jĂ que je mâoccupe dâorganiser les projections de Swissway to HeavenâŠÂ ». Un tantinet hyperactif, le mister CĂ©dric ? Si peu. Quoi, vous ne lâavez pas vu ranger sa vaisselle dans son van ?!
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