« Swissway to Heaven », l’odyssĂ©e suisse

« Swissway to Heaven », l’odyssĂ©e suisse

Durant deux annĂ©es, CĂ©dric Lachat et ses compagnons de cordĂ©e (Nina Caprez, MĂ©lissa Le NevĂ©, Tobias Suter, Fabien Dugit) relĂšvent le dĂ©fi de gravir et filmer les itinĂ©raires les plus difficiles de cinq parois mythiques en Suisse. En rĂ©sulte Swissway to Heaven, un film de grimpe immersif, au ton dĂ©calĂ©, qui met en relief l’histoire de l’escalade helvĂ©tique. En route vers ce « petit paradis » voisin, encore trop souvent mĂ©connu !

CĂ©dric Lachat est de ces sportifs de haut-niveau Ă  qui l’on taperait volontiers la bise. Ou une belle claque dans l’épaule. Les yeux rieurs et un franc humour vissĂ© au corps (de ceux capables de dĂ©corner les plus robustes de nos prĂ©cieuses laitiĂšres), ce « petit Suisse du Jura » a 36 ans et grimpe depuis l’ñge de 11 ans. À 12 ans, il dĂ©bute les compĂ©titions, Ă  13 ans, les circuits internationaux. C’est dire le potentiel du jeune homme. À 18 ans, CĂ©dric devient grimpeur pro et multiplie les podiums en Coupes du Monde et autres championnats. Une dizaine d’annĂ©es plus tard, il met un terme Ă  la compĂ©tition pour se consacrer exclusivement Ă  la falaise et aux grandes voies. « C’est Ă  ce moment-lĂ  que j’ai commencĂ© Ă  rĂ©aliser des films pour partager ma passion avec le public », renchĂ©rit-il. 

Cédric Lachat et Tobias Suter sur l'ascension de "Odyssee" à l'Eiger - Juillet 2019 © Guillaume Broust

La naissance du projet

CĂ©dric cherche une nouvelle vidĂ©o Ă  rĂ©aliser. « Quelque chose de diffĂ©rent » de ce qu’il a dĂ©jĂ  rĂ©alisĂ© comme films d’escalade et de grandes voies. Le grimpeur ne veut pas se rĂ©pĂ©ter. L’idĂ©e qu’il a en tĂȘte : montrer les plus beaux massifs suisses en grimpant les grandes voies les plus difficiles « tout en ajoutant un truc en plus, un cĂŽtĂ© historique pour donner de la vie au film, faire la relation entre « l’avant » et le « maintenant » ». Donner une dimension humaine Ă  l’aventure sportive.  Il Ă©crit le dossier et lance le projet de rĂ©aliser les cinq grandes voies les plus difficiles de Suisse en un an
 ou presque.

Les piliers du projet :

  • Partir de l’histoire de la montagne et de l’alpinisme pour comprendre l’essence de l’escalade libre.
  • Faire le rĂ©cit en images de cette Ă©volution passionnante pour expliquer Ă  quel point la difficultĂ© de ces lignes dĂ©passe l’imaginaire des premiers ouvreurs
  • RĂ©aliser une prouesse physique et sportive en rĂ©alisant toutes ces voies dans la mĂȘme annĂ©e
  • Montrer que la Suisse est un paradis pour les grimpeurs dĂ©butants et les plus expĂ©rimentĂ©s. Peu de gens savent que les grandes parois suisses regorgent de voies accessibles Ă  tous.

 

Lauterbrunnen "The Fly" Cedric Lachat and Tobias Suter © Guillaume Broust

Topo des grandes voies & des massifs choisis

  • Eiger : « OdyssĂ©e », 8a+, 1400 m (avec Tobias Suter)
  • Lauterbrunnen : « The Fly », 8c, 550 m (avec Tobias Suter)
  • Gastlosen : « Yeah Man », 8b+, 330 m (avec MĂ©lissa Le NevĂ©)
  • Wenden : « Zahir », 8b+, 300 m (avec Fabien Dugit)
  • RĂ€tikon : « Wögu », 8c, 350 m (avec Nina Caprez)

Filmer et enchaĂźner, un vrai casse-tĂȘte

Faire dĂ©couvrir ces parois et ces grandes voies mythiques tout en rendant accessible au plus grand nombre l’histoire et l’évolution de la grimpe helvĂšte (Ă  travers des images d’archives sur l’évolution du matĂ©riel ou des interviews avec des prĂ©curseurs tels que les ouvreurs Roger SchĂ€li, Beat Kammerlander, Stephan Siegrist ou Claude RĂ©my), voilĂ  le projet ambitieux de CĂ©dric Lachat. Soit, comprenez entre les lignes, qu’il lui a fallu enchaĂźner les voies dans un timing serrĂ© avec tous les impĂ©ratifs que demandaient la prise d’images et le tournage en paroi. Deux annĂ©es de pur bonheur, mais de stress aussi.

« RĂ©aliser un tournage en paroi, c’est dĂ©jĂ  compliquĂ©. Alors en rĂ©aliser 5 pour un mĂȘme film, c’est un vrai casse-tĂȘte »

« J’étais constamment sous pression durant 2 ans. RĂ©aliser un tournage en paroi, c’est dĂ©jĂ  compliquĂ©. Alors en rĂ©aliser 5 pour un mĂȘme film, c’est un vrai casse-tĂȘte avec une pression financiĂšre Ă©norme ! La mĂ©tĂ©o ne fonctionne jamais comme on veut, il faut toujours s’adapter, changer les plans. S’adapter aussi au planning et aux impĂ©ratifs de chacun. Mais le travail d’organisation et de coordination en Ă©quipe, cela fait partie de mon travail. Cela demande beaucoup d’expĂ©rience, c’est du stress permanent. Le projet ne tient souvent Ă  rien… Mais il ne faut jamais rien lĂącher et toujours se battre pour que ça fonctionne ! ».

En parallĂšle de sĂ©quences de grimpe extrĂȘmes dans le 8Ăšme degrĂ© donc, des ouvreurs emblĂ©matiques prĂ©sentent l’histoire de l’équipement et l’Ă©volution de la pratique, depuis l’alpinisme classique jusqu’à l’escalade moderne.

WoGĂŒ - Cedric Lachat and Nina Caprez © Guillaume Broust

La Suisse, paradis pour les grandes voies

La Suisse est un petit paradis pour les grimpeurs : elle regorge de parois exceptionnelles. Pourquoi parcourir le monde alors que son pays natal regorge de lignes magnifiques ? En tant qu’helvĂšte, CĂ©dric a voulu faire connaĂźtre au grand public ces lieux et l’aventure humaine qu’ils reprĂ©sentent Ă  travers un film, en faisant appel aux meilleurs grimpeurs europĂ©ens pour l’accompagner dans ce projet.

Transmettre l’amour de la grimpe comme la beautĂ© de son pays chĂ©ri, voilĂ  bien ce qui a dictĂ© le propos de CĂ©dric Lachat tout au long du projet. Alors, la Suisse, ça joue ou bien ? Le petit pays au drapeau rouge et blanc et Ă  l’accent chantant, est souvent mĂ©connu des Français, pourtant il a effectivement tout d’un petit « paradis » pour les grandes voies. Ce film en est un prĂ©cieux exemple. « La Suisse est un pays assez cher et souvent les Français n’y pensent pas pour cette raison. Ensuite, la mode est de partir dans le sud ou plus loin pour grimper. Mais j’espĂšre que le film va montrer que ce pays fait partie des plus beaux endroits au monde pour l’escalade de grandes voies ».

Un défi physique colossal

Si Swissway to Heaven Ă©tait un vrai dĂ©fi logistique et technique, le projet a aussi Ă©tĂ© une prouesse physique colossale qui a entamĂ© les corps. CĂ©dric l’avoue : « Je grimpe dans le haut niveau depuis gamin, je commence Ă  en ressentir les traces. Le projet Ă©tait fatiguant, je n’avais pas le droit de me reposer quand les douleurs Ă©taient prĂ©sentes. Il fallait finir le tournage. Mais cela fait partie de la vie de sportif professionnel. Notre corps est notre instrument de travail et quelquefois, il faut le pousser Ă  ses limites ».

Mais le film n’en aucun cas entamĂ© la confiance des uns envers les autres. Au contraire, avec des organismes mis Ă  rude Ă©preuve, le projet a resserrĂ© les liens : « À notre niveau et dans ce type de voie, on fait beaucoup de grosses chutes. Mais la chute va avec le niveau. On sait tomber et surtout assurer sans risquer de se faire mal ». CĂ©dric renchĂ©rit : « Je n’aimais juste pas quand j’assurais Nina [Caprez] qu’elle prenne des vols gigantesques car Ă  chaque fois je finissais la tĂȘte dans le relais
 et il faut quand-mĂȘme ĂȘtre trĂšs prĂ©cis ».

« Quand on assure, on a la confiance de l’autre Ă  100 %, alors on n’a pas droit Ă  l’erreur sur la prĂ©cision d’assurage »

Swissway to Heaven - Wenden © Marc Daviet

Une plongĂ©e au cƓur de la cordĂ©e

Swissway to Heaven est donc un film Ă  la fois trĂšs personnel et trĂšs immersif : on a comme l’impression d’ĂȘtre au sein de la cordĂ©e, « au plus prĂšs » de la grimpe et des compagnons de CĂ©dric : Nina Caprez, MĂ©lissa Le NevĂ©, Tobias Suter ou encore Fabien Dugit.

Bim, bam, boum, nous voilĂ  avec les mains moites et le cƓur qui sprinte devant ces ascensions engagĂ©es sur des parois lĂ©gendaires.

Les images ont Ă©tĂ© capturĂ©es avec brio par des grands noms de la grimpe et de l’outdoor : Mathis Dumas au cadrage, Marc Daviet Ă  la photographie et Guillaume Broust Ă  la rĂ©alisation. « Avec Guillaume, on se connaissait dĂ©jĂ  pas mal, nous sommes des amis. Cela lui a permis de rentrer dans nos vies pour filmer chaque Ă©motion. Il y a vraiment un esprit de confiance entre lui et nous. Des tournages en paroi, ça soude les personnes et l’équipe. On vit des moments forts, beaux, joyeux, compliquĂ©s, etc
 Ensuite pour le montage, Guillaume Ă©changeait constamment avec nous, afin de trouver les bonnes idĂ©es et les bonnes directions pour le film ».

Grimper sans prise de tĂȘte

L’échange et la transmission, toujours, comme vĂ©ritables moteurs. Mais aussi, l’humour et l’auto-dĂ©rision, comme meilleures armes : « Dans mes films, je veux que ce soit ma vraie personne ! Je suis un peu un clown de temps en temps. Mais c’est plus rigolo ! Il faut un peu d’humour dans la vie, surtout lorsque l’on passe son temps dans la difficultĂ©. En tout cas, j’aime faire des films avec un mĂ©lange d’humour, de sĂ©rieux et de haut niveau. L’escalade m’ennuie, s’il n’y a que cela
 donc j’essaie de trouver le juste milieu ».

L’aprùs-film

Cet ultime challenge technique, logistique et sportif, relevĂ© avec brio, CĂ©dric Lachat est dĂ©jĂ  sur un autre projet. Mais en spĂ©lĂ©o cette fois, son autre credo : « Je suis en train de rĂ©aliser un nouveau film pour 2022 ou 2023. C’est un projet qui prend du temps. On rĂ©alise les images Ă  900 mĂštres sous terre ! Donc c’est toute une mission de descendre au fond  » Et pour l’escalade ? « On verra cet hiver les projets que je vais mettre en place. En attendant, il faut dĂ©jĂ  que je m’occupe d‘organiser les projections de Swissway to Heaven  ». Un tantinet hyperactif, le mister CĂ©dric ? Si peu. Quoi, vous ne l’avez pas vu ranger sa vaisselle dans son van ?!

Fly Spiti - John Stapels

🧗‍♂ Pour en savoir plus :

Page Facebook de CĂ©dric

Site de Guillaume Broust

🔎 Articles parus :

Sur le site de Petzl

Yoann Stuck, le phénomÚne trail

Yoann Stuck, le phénomÚne trail

AoĂ»t 2010. Le presque trentenaire Yoann Stuck, plus fĂȘtard que sportif, fume clope sur clope, enchaĂźne les soirĂ©es et pĂšse 95 kg. Sur un coup de tĂȘte, il dĂ©cide d’arrĂȘter de fumer. Se dit que s’il ne trouve pas de quoi compenser, il va vite dĂ©passer le quintal. C’est le dĂ©clic. Il enfile un short et part courir. 20 minutes
 de pur cauchemar ! Aujourd’hui, dix ans plus tard, Yoann est devenu
 traileur professionnel ! Rencontre autour d’un parcours atypique.

Fast-portrait

  • Yoann Stuck
  • 38 ans, en couple
  • Vit Ă  cĂŽtĂ© de Lyon
  • Est originaire d’un petit village du Vaucluse, ChĂąteauneuf-de-Gadagne (84)
  • Papa d’une petite fille de 6 ans

 

Yoann Stuck sur la 6000D

Ton parcours est pour le moins atypique. Peux-tu nous dire comment tu t’es mis à la course à pied ?

J’ai dĂ©cidĂ© d’arrĂȘtĂ© de fumer en aoĂ»t 2010, sur un coup de tĂȘte. À l’époque, je sors beaucoup en semaine, bois des pintes de whisky Coca et je fume plus d’un paquet de clopes par jour
 Bref, j’ai une hygiĂšne de vie dĂ©plorable, je totalise 95 kg. Je me dis alors que si je ne trouve pas quelque chose pour « compenser », je vais vite dĂ©passer le quintal. Alors j’ai chaussĂ© ma paire de speakers, un tee-shirt en coton et un short de foot, et puis je suis parti courir. 20 minutes. Un cauchemar. Mais j’y suis retournĂ©, j’ai allongĂ© la distance
 Finalement, j’y ai pris du plaisir, rencontrĂ© des coureurs, 
 De fil en aiguille, je me suis inscrit Ă  une premiĂšre course, puis Ă  un premier club d’athlĂ©tisme, pour finalement arriver lĂ  oĂč j’en suis aujourd’hui.

Comment ton entourage a-t-il vécu ta transformation ?

Ça dĂ©pend qui 🙂 ! Ma compagne a vĂ©cu un peu la mĂȘme « transformation » avec moi, donc on Ă©tait sur la mĂȘme longueur d’onde. Ma maman, plutĂŽt bien, mĂȘme si elle ne se rendait pas vraiment compte de l’importance de ce changement
 Et puis pour les copains, tout le monde n’a pas vraiment compris au dĂ©part un tel revirement
 Mais aujourd’hui, je suis super content d’aller courir avec les mĂȘmes potes avec qui je me mettais des mines le week-end !

Comment as-tu pris le virage trail / outdoor ?

Au dĂ©part
 en me perdant ! En fait, je venais d’emmĂ©nager sur Lyon et comme je ne connaissais ni grand monde ni trop le coin, courir Ă©tait aussi le moyen de visiter les alentours. Et le gros virage, ça a Ă©tĂ© mon premier trail en montagne, le Marathon du Mont-Blanc ! Je prends un plaisir immense Ă  courir au milieu de toutes ces Ă©lites que je suis sur les rĂ©seaux. J’aime aussi l’ambiance vraiment sympa aux abords des sentiers et je passe la ligne d’arrivĂ©e avec ma compagne et des amis. Un moment intense ! L’un de mes meilleurs souvenirs. J’ai grandi Ă  la campagne. Je jouais toujours dehors, avec la garrigue en terrain de jeu, donc j’ai toujours aimĂ© ĂȘtre dehors.

Tu portes toujours une attention toute particuliĂšre Ă  ton mode de vie / ta nutrition ? (sans pour autant sacrifier Ă  la petite biĂšre d’arrivĂ©e… 😉)

J’évolue toujours en ce sens. Je me rends compte – et je partais de trĂšs loin ! -, de l’importance de l’alimentation dans ma vie de sportif, mais pas que. Pour ma santĂ© gĂ©nĂ©rale, aussi. Je me rends aussi compte de l’impact de notre consommation sur l’environnement donc oui, j’ai une hygiĂšne alimentaire au quotidien qui est aujourd’hui plutĂŽt trĂšs bonne, je pense. J’ai essayĂ© le cĂ©togĂšne cet hiver, lĂ , on teste un mois vĂ©gĂ©tarien. Sinon, je suis plutĂŽt un mode alimentaire low carb (soit, pauvre en glucides) qui me convient trĂšs bien
 mais j’ai beaucoup de mal Ă  refuser la biĂšre et les petits plaisirs. C’est important aussi, je crois.

Yoann Stuck

Tu es trĂšs prĂ©sent sur les rĂ©seaux sociaux, notamment Ă  travers des web-sĂ©ries. Peux-tu nous en dire plus ? Pour ta sĂ©rie Adaptation sur YouTube, l’épisode 3 est pour bientĂŽt ?

L’Ă©pisode 3 de ma sĂ©rie Adaptation, on vient de le tourner le week-end dernier ! Avec le contexte sanitaire actuel et l’absence de courses, j’ai eu cette idĂ©e de proposer des petits dĂ©fis, des challenges qui me tenaient Ă  cƓur. J’en fais partager certains avec le petit groupe d’entraĂźnement que je suis, avec les copains
 et puis d’autres, je les ferai seul, en totalitĂ© ou en partie.

On a donc fait un premier Ă©pisode sur un off de la SaintĂ©Lyon (course qui a dĂ» ĂȘtre annulĂ©e cette annĂ©e), pour mettre en avant les organisateurs de course.

Le suivant, c’était pour mettre en avant ma station de cƓur, La Plagne, et les rĂ©percussions du COVID-19 sur les stations cet hiver.

Le week-end dernier, l’histoire Ă©tait plus personnelle puisque je voulais mettre en avant l’endroit oĂč j’ai grandi : ChĂąteauneuf-de-Gadagne et le Vaucluse plus gĂ©nĂ©ralement, ainsi que ma ville d’adoption : Lyon. Car je suis devenu la personne que je suis aujourd’hui en partant vivre Ă  Lyon. Mais je ne serai pas non plus la personne que je suis, sans avoir grandi dans mon village.

On est donc partis samedi matin dernier de Lyon jusqu’à Avignon en vĂ©lo, pour donner un cĂŽtĂ© responsable et Ă©cologique Ă  l’aventure et arriver dans l’aprĂšs-midi. Ensuite, j’ai enchaĂźnĂ© le Wings for Life (course caritative organisĂ©e par Red Bull pour la recherche sur la moelle Ă©piniĂšre) sur une App en partant d’Avignon avec pour objectif d’aller jusqu’au sommet du Ventoux, et donc par la mĂȘme occasion de faire un FKT : 62,34 km, 2136 m D+ en un peu plus de 5h. Et il semblerait que pour le Wings for Life, j’ai fait premier français avec 52,8 km.

Mais j’ai encore en tĂȘte pas mal d’idĂ©es d’épisodes, peut-ĂȘtre plus en montagne cet Ă©tĂ©.

Et tes capsules vidéo Hiit & Eat sur Instagram ?

Pareil, le COVID-19 et le premier confinement m’ont donnĂ© l’idĂ©e de dĂ©part de faire du home trainer en interviewant en live sur Instagram des acteurs touchĂ©s par ce contexte sanitaire peu Ă©vident
 Mes partenaires ont jouĂ© le jeu, mais pas que ! Des restos, des stations de ski, des athlĂštes
 L’idĂ©e Ă©tait de tirer du positif d’une situation nĂ©gative. Ensuite, j’ai proposĂ© des renfos accessibles Ă  tous pour rester actifs, mĂȘme chez soi. Et puis m’est venue, dans la foulĂ©e, l’idĂ©e de prĂ©parer un petit truc en parallĂšle – car je ne suis pas un grand cuisinier – s’est imposĂ©e : on dit bien « AprĂšs l’effort, le rĂ©confort », non ?!

Yoann Stuck - iamwoodstuck

Ta journée-type ?

Je m’entraĂźne quasi 7j/7, parfois en biquotidien. AprĂšs, tout dĂ©pend des pĂ©riodes de charges et des Ă©chĂ©ances Ă  venir. 

Lever 7 h : Petit-dĂ©jeuner en famille. Je bosse toute la matinĂ©e aprĂšs avoir amenĂ© ma fille Ă  l’école. Je pars souvent faire ma premiĂšre sĂ©ance en fin de matinĂ©e et l’on dĂ©jeune aussi en famille. Je travaille l’aprĂšs-midi jusque 16 h, puis seconde sĂ©ance. Je re-travaille encore jusqu’au dĂźner. J’ai la chance de pouvoir m’organiser comme je veux car je travaille de la maison, mais, la contrepartie c’est qu’il n’y a jamais vraiment de coupure, pas de week-end ou de rĂ©elles vacances
 Mon ordinateur et mon tĂ©lĂ©phone ne me quittent pas souvent
 mais quand on aime son job, on ne travaille pas vraiment, si ?!

La course Ă  pied, c’est pour toi un prĂ©cieux outil de partage, non ?

Au dĂ©part, c’était surtout ma bulle, ma mĂ©ditation, lĂ  oĂč je trouvais mes meilleures idĂ©es. Et j’ai vu que les gens, autour de moi, se retrouvaient dans ce que je faisais, ce qui est vraiment top. Donc oui, c’est un bel outil de partage, tout comme les rĂ©seaux, mĂȘme s’ils sont souvent critiquĂ©s.

Tes prochains projets et/ou objectifs et/ou dossards que tu vas épingler ?

J’adorerais pouvoir remettre un dossard pour le Marathon du Mont-Blanc mais je ne suis pas certain de ce qu’on aura le droit de faire ou non fin juin.
Sinon, je mets normalement deux dossards mais sur mon Gravel puisque je vais prendre le dĂ©part du VĂ©lo Vert Festival Ă  Villard de Lans dĂ©but juin et du Festival Outdoor de la vallĂ©e verte Ă  Chambon-sur-Lac, en Auvergne, fin juin. J’ai, depuis longtemps, trĂšs envie de mettre des dossards en vĂ©lo et j’ai eu un vrai coup de cƓur pour le Gravel. Ce dernier va beaucoup se dĂ©velopper en France dans les prochaines annĂ©es !

Ton rĂȘve fou ?

Je souhaite m’orienter sur de la montagne pure. Le « toit du monde » me fait envie. Je souhaite surtout dĂ©couvrir de nouvelles sensations et me sentir libre. Relier d’est en ouest les États-Unis avec mon Gravel serait aussi un beau projet… 

Un dernier message que tu aimerais adresser aux lecteurs du blog ?

Inspirez-vous des reportages du blog et allez prendre de la hauteur !

🏃‍♀ Pour en savoir plus sur Yoann :

www.anotherlife.fr

www.instagram.com/yoannstuck

Allez, viens, je t’emmĂšne
 au NĂ©pal !

Allez, viens, je t’emmĂšne
 au NĂ©pal !

Manon et Olivier Fichou (Himaly Productions) forment un couple d’alpinistes passionnĂ©s, qui va, avant tout, en montagne pour se faire plaisir. Chez eux, pas de surenchĂšre cĂŽtĂ© risque ni de performance dĂ©mesurĂ©e, l’heure est Ă  la dĂ©couverte et Ă  l’échange. Embarquement immĂ©diat pour le NĂ©pal, avec leur film Viens, je t’emmĂšne. En ligne de mire, l’ascension en style alpin du Baruntse (7 129 m) et du Mera Peak (6 476 m).

La montagne, une invitation à vivre le moment présent

Olivier et Manon se sont rencontrĂ©s il y a 10 ans, alors qu’ils faisaient de l’escalade ensemble au gymnase de leur lycĂ©e. Depuis, ils ne se sont plus quittĂ©s. Aujourd’hui, Manon est infirmiĂšre et Olivier est ingĂ©nieur. La montagne pour ces deux alpinistes amateurs ? Un rĂ©el mode de vie. « Nous n’allons pas en montagne pour simplement profiter du grand air et des paysages. Nous y allons parce que nous y sommes bien. Nous Ă©liminons le superflu et nous nous retrouvons seuls. Nous ne comptons plus que sur nous-mĂȘmes. C’est un espace de grande simplicitĂ©, un environnement dans lequel nous nous consacrons pleinement au moment prĂ©sent, dans lequel nos dĂ©cisions ont un impact direct sur le cours des choses ».

Olivier Fichou a commencĂ© Ă  faire des films lors de sa premiĂšre expĂ©dition avec Manon en NorvĂšge. Le couple gagne alors des bourses d’expĂ©ditions et souhaite ramener des images. L’association Himaly Productions naĂźt ainsi en 2016. Pour faire le lien entre les projets montagne et l’image (photographie/vidĂ©o). Ensemble, le couple dĂ©couvre la NorvĂšge, l’Islande ou la GĂ©orgie. Part grimper en Corse, en Espagne. Et s’en va donc plus rĂ©cemment dĂ©couvrir le NĂ©pal, endroit rĂȘvĂ© pour qui souhaite prendre de la hauteur et toucher les sommets.

 

Olivier Fichou / Himaly Productions - Osprey

Le NĂ©pal, une premiĂšre hors du temps

Manon le dit volontiers : « Le NĂ©pal, c’est un voyage inoubliable, aussi magnifique que difficile. Un mois hors du temps, Ă  vivre au jour le jour. Chaque pas que nous avons fait en Himalaya, Ă  ne pouvoir compter que sur nous-mĂȘmes, Ă©tait un pas de plus pour relever ensemble les dĂ©fis futurs de notre vie ». MĂȘme s’il lui a fallu plusieurs mois de rĂ©cupĂ©ration aprĂšs ce pĂ©riple, Manon glisse dans un sourire qu’en se couchant par -20°C Ă  6200 m dans son duvet, elle rĂȘvait d’un canapĂ© et d’un bon repas chaud
 Maintenant, sur son canapĂ©, elle ne rĂȘve que d’une chose : ĂȘtre lĂ -bas !

Olivier, lui, est heureux. Mais il se rend aussi compte de la difficultĂ© de cette expĂ©dition. Aujourd’hui, avec du recul, mĂȘme s’il est « trĂšs fier d’avoir rĂ©alisĂ© ce rĂȘve en couple », il ne se permettrait peut-ĂȘtre pas de retourner dans cette aventure avec un tel niveau d’engagement, avec Manon.

Vers le Baruntse - Olivier Fichou / Himaly Productions

Sans porteur ni sherpa

C’est que plus de 20 jours de trekking et d’alpinisme, dont la plupart en totale autonomie, ça se prĂ©pare ! MalgrĂ© tous leurs efforts, Olivier et Manon ont dĂ» porter des sacs de plus de 25 kg au-dessus 5 500 m… Afin, en somme, de passer de la moiteur de la jungle Ă  l’ascension d’un 7 000 m en style alpin, seuls, sans porteur ni sherpa. Corde, bottes d’altitude, duvets grand froid, grosses doudounes, pieux Ă  neige, crampons, piolet, baudrier, mousquetons, poulies, … croisent le fer avec le matĂ©riel Ă©lectronique photo/vidĂ©o, les panneaux solaires et le tĂ©lĂ©phone satellite. Sans oublier tout le matos de bivouac et beaucoup de nourriture (« jamais assez ! » entonne Olivier) : « des barres le midi, des lyophilisĂ©s le soir, et… un saucisson par semaine pour le petit plaisir ! » Une expĂ©dition rendue possible grĂące au soutien de leurs sponsors Lowa et Osprey.

L’aventure est Ă©prouvante, mais la rĂ©compense est là : les paysages au cƓur des sommets himalayens sont grandioses. Entre ice-flĂ»tes et passages de cols saisissants, l’immensitĂ© est Ă  portĂ©e de piolet. Manon garde un souvenir Ă©mu « du passage du col Amphu Lapsa (5 800 m), pour la beautĂ© des lieux mais aussi pour ce que ce col reprĂ©sente : le passage vers la vallĂ©e du Khumbu, la derniĂšre difficultĂ© avant d’enlever dĂ©finitivement les crampons. La fin d’une aventure dans l’aventure ».

Pour Olivier, l’endroit qui l’a le plus marquĂ© et impressionnĂ©, « c’est le camp de base du Baruntse Ă  5 400 m. Nous y Ă©tions seuls. Une tente unique posĂ©e dans un camp de base dĂ©sert, devant les presque 2 000 m de paroi de notre objectif. À ce moment-lĂ , nous sommes loin de tout. Si nous voulons croiser quelqu’un, nous avons le choix : soit franchir un col Ă  5 800 m et rejoindre la vallĂ©e du Khumbu en 3 jours, soit retourner sur nos pas et franchir un col Ă  5 500 m pour retrouver la jungle aprĂšs 4 jours ».

Buter sinon rien ?

Mais en montagne, la rĂ©ussite n’est pas toujours au rendez-vous. Prendre un but, oui ! Se prendre trop au sĂ©rieux, non ! Tel pourrait ĂȘtre le leitmotiv d’Olivier et Manon, qui vont en montagne pour se faire plaisir avant toute chose. « J’ai l’impression que la montagne devient de plus en plus un terrain de compĂ©tition, je trouve ça dommage. Les films de montagne mettent en avant cet environnement comme celui de tous les dangers, rĂ©servĂ© Ă  des athlĂštes surentraĂźnĂ©s et un peu timbrĂ©s, toujours en quĂȘte de faire plus, ou mieux que l’autre, de faire l’ascension la plus difficile, la plus dangereuse, la plus risquĂ©e », lance Olivier. « Se confronter Ă  des risques et savoir les gĂ©rer fait partie de la satisfaction que peut apporter la haute montagne. Mais de plus en plus de films prĂ©sentent ce facteur risque comme une ligne directrice. Prendre des risques semble ĂȘtre le but de la pratique. Pas pour moi. Le risque peut rentrer dans l’Ă©quation de notre satisfaction mais il doit rester un moyen. Un moyen d’apprĂ©cier sa capacitĂ© Ă  le minimiser et Ă  le maĂźtriser », renchĂ©rit-il.  Bien dit.

Le matĂ©riel sur l’expĂ©

Chaussures Olivier : Expedition 6000 Evo RD

Chaussures Manon : Alpine SL GTX

Sacs Osprey : Mutant 38 et Ariel 65

 

đŸŽ„ Pour suivre les rĂ©alisations d’Himaly Productions :

www.himalyproductions.com

🎬 Deux autres films signĂ©s Himaly Productions :

Caucase – GĂ©orgie (2021) : youtu.be/850hBX2sJzo

Polar Lines – Svalbard (2018) : youtu.be/eWYzpVad4rA

Mélissa Le Nevé : PremiÚre femme à grimper « Action Directe » (9a)

Mélissa Le Nevé : PremiÚre femme à grimper « Action Directe » (9a)

Mythique ! Monumentale ! Extraordinaire ! En mai dernier, la performance de MĂ©lissa Le NevĂ©, s’est rĂ©pandue dans les mĂ©dias du monde entier : la grimpeuse française a cochĂ© la premiĂšre ascension fĂ©minine d’« Action Directe » (9 a), la voie d’escalade sportive la plus cĂ©lĂšbre de la planĂšte, joyau mythique du Frankenjura. Le fruit d’un travail de six ans, jalonnĂ© de doutes et de remises en question, Ă  dĂ©couvrir dans le film documentaire « Action Directe », programmĂ© sur la quinziĂšme Ă©dition du festival Reel Rock en France.

 

Passion grimpe

Originaire de Cestas, en Gironde, MĂ©lissa Le NevĂ© dĂ©couvre l’escalade Ă  l’ñge de 15 ans. C’est « le coup de foudre ». Elle aime Ă  la dĂ©vorer sous toutes ses formes : bloc, falaise, voies en naturel ou en salle, grandes voies, 
 La jeune femme brille dans tous les domaines. BasĂ©e Ă  Bordeaux, « un plat pays », la grimpeuse se lance dans la compĂ©tition pour pouvoir « plus facilement » assouvir sa passion. Elle devient rapidement professionnelle et affiche, en quelques annĂ©es, un palmarĂšs impressionnant : entre autres, deux titres de championne de France de bloc et une troisiĂšme place au classement gĂ©nĂ©ral de la Coupe du Monde de bloc. Son indĂ©crochable sourire est loin de passer inaperçu sur le circuit mondial.

Portrait Mélissa Le Nevé

Des podiums aux grandes voies

Pourtant, la grimpeuse de l’Équipe de France crĂ©Ă© la surprise en mettant un terme Ă  sa carriĂšre en compĂ©tition fin 2016, aprĂšs 9 ans de compĂ©tions internationales, plusieurs blessures en cascade et beaucoup de stress. Avec une irrĂ©pressible envie de dĂ©passer ses limites, de vivre sa passion pleinement, tout en partant Ă  la dĂ©couverte d’autres cultures
 Une dĂ©cision qui ouvre une nouvelle page dans sa vie comme une nouvelle source de motivation, plus en harmonie avec sa personnalitĂ©. Sur le circuit, MĂ©lissa s’est liĂ©e d’amitiĂ© avec l’une de ses rivales, la grimpeuse britannique Shauna Coxsey. En 2019, elles partent ensemble pour un road trip au cƓur du dĂ©sert amĂ©ricain Ă  la dĂ©couverte de spots de grimpe emblĂ©matiques. Voyager sans la pression du circuit. Juste le vent sur ses Ă©paules.

MĂ©lissa dans "Action Directe"

Une pluie de premiĂšres

En quelques annĂ©es, MĂ©lissa Le NevĂ© croque le monde. En 2014, elle coche le premier 8c mondial avec « Wallstreet » (Frankenjura). En 2015, elle devient la premiĂšre femme au monde Ă  rĂ©ussir le lĂ©gendaire quintĂ© « Big 5 » de Fontainebleau : 3 blocs de 7c, un 7c+ et un 8a pour finir. En 2016, quand elle fait le choix de quitter la compĂšt’, elle s’est dĂ©jĂ  offert trois 8c+. Bref, MĂ©lissa aime les « challenges ». Alors, elle enchaĂźne les projets, s’enthousiaste pour de nouveaux dĂ©fis, trouve dans « l’escalade, une Ă©cole de vie » et surtout un moyen d’accomplir ses plus grands rĂȘves.

Parmi eux, des voies lĂ©gendaires comme « Bionic Commando » 8c+ dans le Frankenjura, « Golden Ticket », 8c+ Ă  Red River Gorge dans le Kentucky ou encore « Mister Hyde » 8c+ Ă  CeĂŒse. Et surtout, « Action Directe », le premier 9a de l’histoire libĂ©rĂ© par l’Allemand Wolfgang GĂŒllich en 1991. C’est LA voie d’escalade sportive la plus connue au monde, LA voie de rĂ©fĂ©rence, notamment pour son jetĂ© sur bidoigt absolument mythique, placĂ© en amuse-bouche. S’enchaĂźnent ensuite une dizaine de mouvements, plus difficiles les uns que les autres, qui vont la faire rentrer dans l’Histoire.

MĂ©lissa dans "Action Directe" - copy. Fabi Buhl

« Action Directe » (9a), une quĂȘte personnelle

Nous sommes le 21 mai 2020. Le milieu de la grimpe est en Ă©bullition : MĂ©lissa vient de clipper le relais d’« Action Directe » ! Elle est la premiĂšre femme Ă  enchaĂźner ce 9a mythique. Un moment historique. MĂ©lissa a rĂ©ussi son incroyable challenge, un long combat contre soi-mĂȘme qui vient de l’occuper plusieurs pĂ©riodes Ă©talĂ©es sur six ans de sa vie (la voie ne peut se faire qu’au printemps ou Ă  l’automne
 quand il ne pleut pas !) et l’a confrontĂ©e à des mouvements que beaucoup pensaient impossibles pour une femme, ou l’a mise en proie Ă  des doutes personnels et des remises en question.

L’annonce est faite via une publication sur son compte Instagram dont l’on devine toute la joie et l’émotion : « Quel voyage
 Quelle personne inspirante
 Quel combat
 mais aussi une vĂ©ritable histoire d’amour
. Tout ce que je recherche en escalade. J’espĂ©rais que ce moment arrive depuis des lustres. Jamais, je n’aurais imaginĂ© Ă  quel point il serait Ă©mouvant de clipper la chaĂźne. J’ai adorĂ© tout le process’, rĂ©soudre cette Ă©nigme, comprendre ces mouvements et ce jetĂ©. Cela reprĂ©sente des annĂ©es d’engagement, des hauts et des bas, de l’espoir et de nombreux doutes [
] ».

MĂ©lissa dans "Action Directe"

Des rĂȘves plein la tĂȘte

Pour autant, MĂ©lissa l’affirme, les yeux sans doute dĂ©jĂ  rivĂ©s sur un autre rĂȘve (Biographie, 9a+, Ă  CeĂŒse, peut-ĂȘtre ?) : boucler la premiĂšre d’« Action Directe » c’était comme « la fin d’une histoire d’amour », elle Ă©tait « toute tremblante, presque nostalgique » car elle savait qu’elle allait devoir tourner la page
 Mais ce n’est « pas du tout un aboutissement » ! L’ex-membre de l’Équipe de France d’escalade n’est pas encore arrivĂ©e au bout de ses capacitĂ©s, loin de lĂ . MĂ©lissa Le NevĂ© a encore des rĂȘves plein la tĂȘte et des voies extrĂȘmes Ă  cocher
 Qu’on se le dise !

Running the Roof : Un challenge devant et derriÚre la caméra !

Running the Roof : Un challenge devant et derriÚre la caméra !

On vous rappelle le pitch du film-documentaire Running the Roof, Prix du Public au Festival de Banff 2020 ? AprĂšs une soirĂ©e bien arrosĂ©e, trois amis font le pari fou d’aller courir lĂ  oĂč le hasard dĂ©cidera : ils font tourner un globe et posent le doigt sur
 le Tadjikistan ! Une aventure de 400 km en 7 jours – plus d’un marathon par jour pendant une semaine ! – dans l’un des endroits les plus reculĂ©s au monde. La co-rĂ©alisatrice, Alexis Tymon, revient sur ce tournage extraordinaire, un challenge Ă  la fois physique, technique et logistique.

 

Alexis Tymon, réalisatrice tout-terrain

Ce qu’adore par-dessus tout la rĂ©alisatrice britannique Alexis Tymon ? « Les camĂ©ras, les histoires et ĂȘtre en plein air » ! AprĂšs avoir fait des Ă©tudes de français et vĂ©cu briĂšvement Ă  Bordeaux, Alexis se fait engager comme rĂ©alisatrice pour des spots tĂ©lĂ©visĂ©s avant de rĂ©aliser ses propres films sur son temps libre. En 2018, elle monte sa sociĂ©tĂ© de production avec Ben Crocker, que l’on retrouve sur le film Running the Roof en tant que co-rĂ©alisateur. Rencontre !

Alexis - Running the Roof - by Ben Crocker

Salut Alexis ! Dis, pourquoi avoir accepté le projet fou de Running the Roof ?

Pour le Tadjikistan, pour l’aventure ! L’idĂ©e de passer un mois dans une zone totalement hors-rĂ©seau, c’était aussi vraiment sĂ©duisant. C’est un environnement difficile pour un cinĂ©aste : la chaleur, le froid, la poussiĂšre, l’altitude
 Enfin, pour l’appel de la nouveauté ! Ne pas savoir ce qui va se passer, ça a quelque chose de magique.

Ce film est votre premier documentaire, en co-réalisation avec Ben Crocker. Comment avez-vous fonctionné ?

Tout le monde dit que nous sommes les deux moitiĂ©s d’un mĂȘme cerveau. Nous formons une bonne Ă©quipe et travaillons en parfaite harmonie. Au Tadjikistan, nous avons essayĂ© de partager toutes les tĂąches. Nous avions une camĂ©ra principale, une Body-cam avec un stabilisateur et un drone. Nous nous sommes relayĂ©s pour tourner les scĂšnes, rattraper les coureurs, les interviewer, etc.

Alexis & Ben - Running the Roof - by Alex Mundt

Filmer dans ces paysages, cela semble une vraie prouesse physique & technique


L’un de nos principaux soucis avant de partir, c’était la sĂ©curitĂ©. Vous entendez beaucoup de mauvaises choses dans les mĂ©dias Ă  propos de cette rĂ©gion du Tadjikistan
 Il y avait, Ă  ce moment-lĂ , une activitĂ© talibane prĂšs de la frontiĂšre oĂč nous Ă©tions. Mais en fait, le danger est trĂšs localisĂ©. Dans les villages, Ă  quelques centaines de kilomĂštres, vous ne rencontrez rien d’autre que le calme dans un cadre rural. La vie de ces gens-lĂ  est d’ailleurs incroyable. Ces villages (dotĂ©s d’une seule route et d’un approvisionnement en Ă©lectricitĂ© Ă  la fin des annĂ©es 90), sont tellement isolĂ©s que le mode de vie est trĂšs simple, trĂšs rude physiquement. Mais c’est super safe pour les touristes ! Et les habitants sont trĂšs sympa. Dans chaque village, nous avons toujours trouvĂ© une famille qui nous laissait dormir chez eux. Pour les derniĂšres nuits, nous campions sur le plateau. Il faisait -10/-15°, les chauffeurs n’avaient jamais Ă©tĂ© lĂ -haut ni n’avaient mĂȘme jamais campé  Un vĂ©ritable choc pour eux !

Le tournage Ă©tait un vrai dĂ©fi technique. Chargement des batteries, sauvegarde des donnĂ©es, nettoyage des lentilles… Tout simplement rester vigilant pendant tant de jours alors que vous filmez toute la journĂ©e
 C’était fatiguant pour nous – et les coureurs Ă©taient encore plus fatiguĂ©s ! – Communiquer avec les chauffeurs aussi, c’était assez drĂŽle ! Ils ne parlaient pas anglais, Ben et moi ne parlons pas le tadjik
 C’est incroyable comment vous pouvez communiquer avec vos mains ou avec des mots que tout le monde comprend : « go ! », « stop ! » Nous avons passĂ© de si bons moments tous ensemble ! Ce genre de voyages, ça vous unit vraiment comme une petite famille.

Une journée-type ?

Nous voulions vraiment laisser les coureurs Jodie, JB et Gabe, faire le job et ne pas contrĂŽler leur course pour le simple plaisir de filmer. C’était super important pour nous, comme principe, sur le tournage. Mais c’Ă©tait aussi difficile de les suivre tous les trois ! Au deuxiĂšme ou troisiĂšme jour, ils couraient dĂ©jĂ  Ă  des rythmes diffĂ©rents. Mais tout a Ă©tĂ© fait pour qu’ils soient le plus autonomes possible. Chacun avait ainsi sa propre nourriture et des rĂ©serves d’eau pour 25 km environ. Jodie, JB et Gabe commençaient Ă  courir dĂšs 7 heures du matin, avant qu’il ne fasse trop chaud, jusqu’Ă  15 heures environ.

Running the Roof

Ton meilleur souvenir ?

La nuit oĂč nous avons franchi le col de Kök Jar, un sentier de montagne Ă©troit qui nous a emmenĂ©s sur le haut plateau du Pamir, c’Ă©tait notre premiĂšre nuit de camping. La voie lactĂ©e Ă©tait incroyable. Nous avons montĂ© les tentes et sommes restĂ©s ensemble, en regardant le soleil se coucher. L’un des coureurs a commencĂ© Ă  pleurer. Nous nous sommes alors rassemblĂ©s et avons fait un gros cĂąlin en nous prenant dans les bras, tout en rĂ©alisant Ă  quel point c’Ă©tait un moment incroyable. Nous Ă©tions lĂ , aprĂšs tout ce chemin dans les montagnes du Tadjikistan. Notre rĂȘve Ă©tait en train de se rĂ©aliser. C’Ă©tait vraiment magnifique.

Et le pire ?

Personnellement, la difficultĂ© de maintenir la santĂ© de chacun ! Surtout de l’Ă©quipe (rĂ©duite !) de tournage : nous n’Ă©tions que deux, Ben, mon co-rĂ©alisateur et moi. Ben avait de trĂšs graves migraines presque tous les jours. Le deuxiĂšme soir, il Ă©tait vraiment malade et il a dĂ» se coucher dĂšs notre arrivĂ©e dans le village autour de 16h. J’ai donc commencĂ© Ă  nettoyer, charger, prĂ©parer les camĂ©ras, interviewer les coureurs
 J’ai alors rĂ©alisĂ© que ça allait ĂȘtre vraiment difficile de faire tout ça moi-mĂȘme tous les jours, si son Ă©tat ne s’amĂ©liorait pas
 Mais, heureusement, Ben est allĂ© mieux.

D’ailleurs, dans l’équipe, on m’a rapidement donnĂ© le surnom de « mĂšre poule » et de « cuirassĂ© britannique », car j’Ă©tais la seule Ă  ne pas lutter contre la maladie ou l’altitude. J’ai cuisinĂ© tous les repas et soignĂ© tout le monde ! Hahaha
 [Rires]. Mais du coup, j’avais une Ă©norme responsabilitĂ© sur les Ă©paules. Quand je suis rentrĂ©e Ă  la maison, il a fallu un mois environ Ă  mon cerveau pour vraiment se dĂ©tendre et revenir Ă  la normale


 

Aujourd’hui, oĂč en ĂȘtes-vous ?

Jodie vit Ă  Cornwall, dans le sud-ouest de l’Angleterre, oĂč il y a des sentiers incroyables.

JB est retournĂ© sur les bancs de la fac pour faire une maĂźtrise en biodiversitĂ© et conservation Ă  l’UniversitĂ© d’Oxford.

Gabe a passé un an à voyager en camion à travers le Canada. Maintenant, il a déménagé à Bogota, en Colombie, pour essayer de créer une communauté de course, là-bas.

Ben & moi sommes heureux ! Nous nous occupons de Sourcy, notre sociĂ©tĂ© de production Ă  Londres et travaillons sur d’autres projets, des films commerciaux et des documentaires.

D’autres projets, tous ensemble ?

Oui ! Nous sommes tous potes, maintenant. Nous prĂ©voyons d’aller ensemble au Pays de Galles sur un festival de trail/running, en juillet prochain, pour passer un week-end en camping ! [Rires] 

Votre film est habité par une certaine urgence de vivre, une soif de liberté. Quelles conséquences, cette aventure a eu sur vos vies personnelles ?

Avec cette histoire, je voulais vraiment montrer que vous n’avez pas besoin d’ĂȘtre un athlĂšte professionnel ou d’avoir couru des ultra-marathons toute votre vie pour rĂ©aliser un dĂ©fi et sortir de votre zone de confort. C’est justement en sortant de sa zone de confort que la magie opĂšre.

Je suis trĂšs fiĂšre de ce documentaire, le premier que je rĂ©alise. Pendant le premier lockdown (COVID-19), j’ai passĂ© 4/5 mois complĂštement « focus » sur le montage. J’ai alors rĂ©alisĂ© que je pouvais faire quelque chose dont je serais fiĂšre ensuite : raconter une belle histoire qui pouvait changer le regard que l’on a sur une personne, une culture ou mĂȘme un pays


Votre prochain film ?

Je travaille sur un nouveau documentaire, l’histoire d’une Britannique « ordinaire » qui traverse la Manche Ă  la nage, avec un cancer de stade 4. Cette femme est incroyable. Je suis vraiment attirĂ©e par ce genre d’histoires : des personnes qui font des choses avec leur corps et leur esprit pour sortir de leur zone de confort. Oui, ce sont ces histoires que je veux raconter.

Alexis - Running the Roof - by Sourcy Film

đŸŽ„ Pour suivre les rĂ©alisations d’Alexis Tymon & Ben Crocker :

https://sourcyfilm.com

🏃‍♀ Pour en savoir plus sur le film Running the Roof :

https://www.runningtheroof.com

🎬 Retrouvez le film Running the Roof dans le programme rouge du meilleur du Festival de Banff sur Bonne Projection jusqu’au 18 avril 2021

JB, Jodie, Gabe - Running the Roof - by Alex Mundt